Médecins en détresse : 20% sont épuisés!

Selon plusieurs études convergentes, 2 médecins sur 10 sont au bord de l’épuisement émotionnel, une des caractéristiques typiques du burn out. C’est le constat posé dans les colonnes du dernier Health Forum, la revue de l’UNML, qui consacre un gros dossier au mal être des médecins.

La santé et le bien être des médecins ont fait l’objet d’un épais dossier intitulé « Et vous, docteur? Comment allez-vous ?»  dans le Health Forum de mars. (1) L’occasion de revenir sur le taux élevé de médecins (20%) et de spécialistes en formation (10%) émotionnellement épuisés  et d’en pointer les causes.

Gwendolyn Portzky, Professeure en Psychologie médicale de l’UGent souligne un  mélange de facteurs liés à la charge de travail  et aux caractéristiques personnelles, à l‘enthousiasme et  au haut degré d’exigence personnelle, mais aussi à la difficulté de dire non. Ce perfectionnisme fait que bon nombre de médecins s’occupent davantage de leurs patients que d’eux-mêmes, sans prendre ni le temps de manger correctement ni le temps de se vider la tête.

Si l’épuisement émotionnel à partie liée avec l’engagement et l’implication des médecins, il ne faudrait pas pour autant  oublier la pression sociale croissante qui s’impose aux médecins, explique Lode Godderis, Professeur à la KULeuven au sein de l’unité « Environnement et santé » . Une pression à laquelle ils sont peu formés à réagir, de même qu’à la gestion de l’échec, de la souffrance, de la perte. Par ailleurs, une des difficultés propres aux spécialistes en souffrance tient dans le déni du problème et à la difficulté de s’adresser à un confrère généraliste…quand ils en ont un. Pour parer à l’épuisement émotionnel et au burn out, le Pr Godderis insiste sur l’importance de l’entraide et du travail un équipe : un climat de confiance et de sécurité doit être bâti qui permette d’échanger doutes, difficultés, et frustrations.

Lorsqu’il est trop tard, et que le burn out a déjà fait ses ravages, il s’agit alors de développer une prise en charge à deux niveaux, personnel et professionnel, via une diminution des heures de travail, puis une reprise à mi-temps. Interrogée sur l’après burn out, le Pr Portzky note qu’en règle générale, les spécialistes reviennent plus forts, mais en prenant davantage soin d’eux-mêmes.

Aller voir un confrère, devenir patient : difficile

Alain Luts, psychiatre de l’unité de  psychopathologie des adultes des Cliniques universitaires Saint- Luc avance les résultats d’une étude canadienne : si les médecins ont souvent  une meilleure santé cardiovasculaire que la population générale, s’ils sont moins atteints de cancers, en revanche, «la prévalence de la dépression, des troubles anxieux, de l’alcoolisme ou de la dépendance aux benzodiazépines et aux morphiniques » est plus élevée. De plus, le nombre de suicides réussis est triplé par rapport à la population générale.

Parmi les causes identifiées par le psychiatre, on trouve la nécessité de rester à jour dans son domaine alors même que les connaissances explosent, l’évolution des nouvelles technologies qui exigent de nouveaux apprentissages, les difficultés financières que rencontrent beaucoup de jeunes médecins, les fusions hospitalières et les situations de concurrence qu’elles génèrent et enfin l’esprit de compétition dans les milieux universitaires.

Si telles sont les causes, le mode de traitement des conséquences pose également problème. En effet de nombreux médecins, éduqués à prendre en charge les autres, à ne pas craquer quelles que soient les circonstances, éprouvent de grosses difficultés à aller consulter. Quand ce pas est finalement franchi, accepter une mise en congé de maladie s’avère très compliqué, de même qu’endosser le rôle pour le moins inhabituel de patient.

La montée de la violence

Si les facteurs de malaise évoqués précédemment sont liés à la personne, la profession ou l’organisation de travail, on ne peut manque de rappeler l’impact délétère de la violence tant verbale que physique qui s’exerce de plus en plus souvent contre les prestataires de soins. Le Dr Thierry Van der Schueren, secrétaire général de la SSMG, a lui-même été victime de violence. Il conseille de porter plainte dans tous les cas auprès de la police ou de l’ordre, d’équiper le cabinet médical de dispositifs de sécurité (caméras, parlophones, systèmes de surveillance, bouton d’alarme, etc.). Enfin, pour les permanences, il appuie la formule des postes médicaux de garde- dont les budgets ont été bloqués…- où le médecin n’est jamais seul. Et s’il est nécessaire de  se déplacer dans des quartiers parfois délicats ou peu sûrs, la meilleure option indique le Dr Van der Schueren est d’adjoindre un chauffeur accompagnant au médecin de garde tenu de se déplacer.

Si les soignants doivent manifestement apprendre à prendre soin d’eux, la société aussi doit soigner ses soignants. Dans cette perspective, il faut rappeler la récente et précieuse initiative de l’Ordre des Médecins, qui a mis sur pied une plateforme indépendante, « Médecins en difficulté » (https://www.medecinsendifficulte.be - Tél.: 0800 23 460) destinée à assister les médecins qui souffrent de détresse psychique.

> Voir Health Forum - mars 2017 (n° 29), pp. 7 à 16  Et vous docteur, comment allez-vous ? 

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