Le député François De Smet (DéFI) a interpellé jeudi en séance plénière de la Chambre des représentants le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, au sujet de l’avant-projet de loi-cadre sur les soins de santé, qu’il juge à l’origine de la grève des médecins prévue le 7 juillet. Le parlementaire a critiqué un texte « brutal » et une méthode qu’il qualifie « d’autoritaire », en l’absence de concertation qu’il estime sérieuse avec les prestataires de soins.
« C’est du jamais vu depuis au moins 60 ans. Ce 7 juillet, un grand nombre de médecins généralistes comme spécialistes vont faire grève en laissant leur cabinet fermé et en n’assurant pas leurs consultations à l’hôpital, à cause de votre avant-projet de loi-cadre jugé inacceptable », a déclaré François De Smet. Selon lui, le texte ne fait pas seulement l’objet de critiques sur le fond, mais suscite aussi une vive inquiétude en raison « d’une vision autoritaire des rapports entre l’État et les professions médicales ». Il a ajouté : « Même sous la loi pandémie et le Covid, je ne me souviens pas que ce reproche d’autoritarisme ait été formulé. »
Le député a pointé la suppression annoncée du conventionnement partiel, qui permet aujourd’hui aux médecins d’exercer à la fois en milieu hospitalier et en externe. « Cette flexibilité indispensable, notamment dans les grands hôpitaux, risque de disparaître, avec une explosion des délais d’attente. Déjà aujourd’hui, un rendez-vous chez un spécialiste prend en moyenne 81 jours. » Il s’est appuyé sur un sondage du Spécialiste selon lequel « près de la moitié des médecins interrogés déclarent vouloir se déconventionner si ce système disparaît ».
François De Smet a également dénoncé la limitation des suppléments d’honoraires : « Fixer un plafond à 125 % en hospitalisation classique et 25 % en ambulatoire, c’est condamner financièrement des hôpitaux, surtout dans le sud du pays. » Il a évoqué les chiffres de la fédération UNESSA : « Sur 690 millions d’euros de suppléments hospitaliers en chambre particulière, 300 millions financent les coûts de fonctionnement des hôpitaux. Un plafonnement tel que vous le prévoyez entraînerait , selon les études de l'agence Intermutualiste, une perte de 38 % des recettes pour les hôpitaux wallons, 58 % pour ceux de Bruxelles, contre seulement 17 % pour la Flandre. »
En réponse, Frank Vandenbroucke a défendu son projet : « Nous voulons réformer pour maintenir des soins de qualité et abordables et lutter contre les inégalités, conformément à l’accord de gouvernement », a-t-il expliqué. Le ministre a détaillé un processus engagé depuis trois ans avec des groupes de travail associant médecins, mutualités et directions hospitalières, précisant que les mesures les plus sensibles, telles que le plafonnement des suppléments d’honoraires, « ne s’appliqueront pas avant 2028 ». « Je prends plus de temps que ce qui était prévu dans l’accord de gouvernement, car je sais que c’est délicat », a-t-il affirmé.
Le ministre a rejeté toute lecture communautaire : « Ce n’est pas un débat communautaire. Les taux de recours aux suppléments sont de 18 % à Bruxelles, 13 % en Flandre et 11 % en Wallonie. La différence n’est pas significative », a-t-il soutenu. Il a toutefois insisté sur la nécessité de mettre fin aux excès : « Dans certains hôpitaux, les suppléments représentent 7 % des honoraires, dans d’autres 101 %. Cela n’est pas défendable. »
Enfin, Frank Vandenbroucke a promis que « tout est négociable » mais sur la base « de bons arguments » et « dans le respect des objectifs de solidarité et d’accessibilité ». François De Smet a clos l’échange en dénonçant le « ton et la méthodologie » du ministre : « Si vous menez les concertations avec le même dédain que vous venez de montrer vis-à-vis des parlementaires, je comprends que cela ne fonctionne pas », a-t-il conclu, annonçant le dépôt d’une motion invitant à reprendre la concertation.
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