Journée de l'hémophilie: Une thérapie génique due à un adénovirus-associé fait ami

Les cliniques universitaires Saint-Luc attirent vendredi, à la veille de la journée mondiale de l'hémophilie, l'attention sur les bonds en avant faits ces dernières années au niveau des traitements génétiques grâce à des adénovirus-associés (AAV), apparentés aux adénovirus. Ces derniers types de virus à ADN sont aussi utilisés comme vecteurs viraux dans les vaccins contre le Covid-19 des laboratoires Astrazeneca et Johnson & Johnson, qui font justement polémique actuellement pour de rares cas de thromboses pouvant être mortelles.

L'hémophilie est une maladie génétique et héréditaire du sang qui, par défaut de codage pour un des facteurs de coagulation (des protéines essentielles à la formation des caillots sanguins), provoque des saignements internes.

"Comme il manque quelque chose dans le sang, il faut l'ajouter", explique le professeur Cédric Hermans, spécialiste de l'hémophilie au service d'hématologie des cliniques universitaires St-Luc. "Pour les patients hémophiles de type A avec un déficit sévère du facteur 8, ces corrections, qui se faisaient il y a peu avec des perfusions intraveineuses tous les 2-3 jours, peuvent depuis 2 ans se faire via des piqûres sous-cutanées toutes les quatre semaines. C'est une première avancée majeure". On sort de l'approche substitutive avec injection de concentrés de la protéine coagulante manquante pour administrer des anticorps avec une durée de vie plus longue, qui mime nt le rôle de ces facteurs 8 en se liant notamment à d'autres protéines coagulantes correctement produites.

L'avancée la plus importante a été faite grâce aux adénovirus-associés, découverts dans les années 60 dans des cultures d'adénovirus. Les hémophiles ne sont bien évidemment pas inquiétés par les risques de coagulation excessive évoqués avec les vaccins à adénovirus contre le Covid-19. "On utilise des adénovirus particuliers qui aiment aller dans le foie, on les rend inoffensifs en les dépouillant de tout et on va encapsuler à l'intérieur le matériel génétique correct qui manque aux hémophiles", continue le Pr. Hermans. "Ces virus vont aller déposer ces bonnes informations dans les cellules d u foie, qui va produire lui-même des facteurs 8 et 9. C'est fabuleux. C'est faire de virus ennemis de véritables amis".

Deux patients à Saint-Luc ont ainsi été guéris de leur hémophilie, parmi une soixantaine de patients ayant une hémophilie B dans le monde qui participaient à une étude pionnière de thérapie génique. Pour l'hémophilie B, avec un déficit de facteur 9, on a un effet persistant pendant une dizaine d'années".

L'hémophilie a été le terrain d'avancées médicales majeures. "Les hémophiles ont dans le passé été affectés par le sida et l'hépatite C parce que les produits sanguins administrés alors étaient contaminés", raconte Cédric Hermans. "Ce scandale du sang contaminé a contribué à la sécurisation des produits transfusés et a stimulé la biotechnologie, ce qui a permis de produire des protéines synthétiques de la coagulation. L'hémophilie s'illustre encore aujourd'hui pour tester les modèles de la thérapie génique".

L'hémophilie touche principalement les hommes, qui doivent cette affection à leurs mères, dites porteuses de la maladie. En effet, les mutations génétiques ou l'absence de gènes codant pour des protéines coagulantes sont situées sur le chromosome sexuel X, apporté par les mères aux garçons (X-Y). Les femmes (X-X) peuvent donc être conductrices de la maladie, mais ne l'expriment généralement pas car les gènes de leur second chromosome X permettent un codage normal des protéines coagulantes.

C'est une maladie rare détectée chez environ 350.000 personnes dans le monde, dont un millier en Belgique.

"Au plus vite on pose le diagnostic, au mieux on évitera des conséquences dramatiques et les patients bénéficieront de traitements appropriés", souligne encore le professeur Hermans. "S'il y a des cas d'hémophilie dans la famille, il faut être alerte. Sans cela, si des garçons présentent des hématomes faisant suspecter des saignements dans les articulations, cela vaut la peine de se demander si cela ne cache pas un trouble de la coagulation". La détection passe par une prise de sang pour mesurer les taux de protéines coagulantes.

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