La Belgique, un pays « malade de ses malades » ?

La Belgique n’a pas seulement un problème de personnes en incapacité de longue durée, c’est le pays lui-même qui est « malade de longue durée », indique un communiqué diffusé samedi à l’occasion d’un symposium organisé ce 18 octobre à Bruxelles par le Vlaams Artsenverbond (VAV) et le Aktiekomitee Vlaamse Sociale Zekerheid (AK-VSZ). Une centaine de médecins, décideurs et acteurs de la santé y ont débattu des causes structurelles du nombre croissant de malades de longue durée en Belgique.

Selon le spécialiste du marché du travail Jan Denys, la hausse du nombre de personnes inactives pour cause de maladie ou d’invalidité est, depuis quinze ans, nettement plus élevée que dans le reste de l’Europe. « Une simple comparaison avec d’autres pays de l’UE montre que c’est surtout notre système de santé qui est malade. Il n’y a ni contrôle, ni activation, ni responsabilisation. Sur tous ces points, le système belge a échoué, particulièrement à Bruxelles et en Wallonie », a-t-il estimé, jugeant « logique » que des mesures correctrices soient envisagées.

Le Pr Lode Godderis, professeur de médecine du travail à la KU Leuven et CEO d’IDEWE, a lui aussi souligné les effets pervers du système actuel. « Les certificats médicaux visaient à protéger les travailleurs, mais le dispositif a ses effets secondaires, il complique souvent le retour à l’emploi. Le travail doit être considéré comme une partie du processus de guérison, pas comme son aboutissement », a-t-il expliqué.

Réformer la prévention et la réintégration

Le Dr Bart Garmyn, directeur médical chez Securex, plaide pour une réforme structurelle de la médecine du travail et de la réintégration. « Limiter le problème à la maladie elle-même est une erreur. Notre système de prévention et de réintégration est défaillant », a-t-il affirmé. Il cite en exemple les Pays-Bas, où les employeurs sont financièrement responsabilisés pour favoriser le retour au travail. Il se dit attentif au projet Réintégration 3.0 du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke, qui prévoit un suivi plus rapide, un meilleur échange d’informations entre médecins et davantage de responsabilité pour les employeurs et les mutualités.

Pour la Dr Heidi Reynders, de la Landsbond des Mutualités Neutres, la digitalisation pourrait accélérer cette transformation. Elle évoque le lancement en février 2025 de la plateforme numérique TRIO, qui facilitera la coordination entre médecins traitants, médecins du travail et médecins-conseils. L’introduction du "certificat de capacité", qui décrira ce que le patient peut encore faire, viendra remplacer le certificat d’incapacité classique. À partir de 2026, ces attestations ne seront valables que trois mois, et les employeurs devront verser une contribution de solidarité de 30 % durant la deuxième et la troisième mois d’absence.

Des disparités régionales marquées

Le coût annuel des indemnités de remplacement pour les personnes en incapacité de longue durée dépasse 11 milliards d’euros, ont rappelé les organisateurs. Plus de 520 000 Belges sont aujourd’hui concernés, un chiffre que le Bureau du Plan prévoit en hausse jusqu’à 600 000 d’ici 2035, soit plus de 7,5 % de la population active. En Wallonie, cette proportion atteint 8,8 %, contre 6,97 % en Flandre.

Ces écarts traduisent aussi un glissement entre différents statuts sociaux, ont relevé le Dr Jan Van Meirhaeghe et Karel Vermeyen. Bruxelles, par exemple, compte moins de malades de longue durée, mais davantage de chômeurs et de bénéficiaires du revenu d’intégration. Selon l’OCDE, cette porosité entre catégories masque le problème de fond, sans responsabilisation conjointe des patients, médecins, employeurs, mutualités, services publics de l’emploi et Régions, aucune amélioration durable ne sera possible.

Car sinon, ont conclu les participants, « ce sera comme écoper un bateau sans fermer la voie d’eau ». Et sur ce point aussi, la frontière linguistique semble devenir une nouvelle frontière de santé.

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