Le GBO dénonce une politique de santé « profondément inéquitable » et relaie la voix des médecins de terrain

À l’occasion de la manifestation nationale du 14 octobre, le Groupement Belge des Omnipraticiens (GBO/Cartel) publie une série de témoignages de médecins généralistes exprimant leurs inquiétudes face aux politiques budgétaires du gouvernement. Sous le titre « Non, Health in all policies n’est pas un vain concept. Puisse l’Arizona en prendre conscience avant qu’il ne soit trop tard », le GBO appelle à replacer la santé au cœur des décisions publiques.

Les contributions réunies par le syndicat des généralistes illustrent un constat partagé : la santé des citoyens est intimement liée aux choix économiques et sociaux, et non aux seuls soins médicaux.

Des économies « sans justification » et un modèle de concertation menacé

Le Dr Lawrence Cuvelier dénonce une « attaque continue contre le budget de la santé ». Malgré les propositions de la profession pour corriger les dépassements de 2024, le gouvernement impose encore 200 millions d’euros d’économies, dont 150 millions sur les honoraires médicaux et 50 millions sur les hôpitaux, « sans justification objective ».
Il fustige également la suppression du financement de la phono-consultation, jugée pourtant « écologique et utile dans un contexte de surcharge de travail ».
Pour lui, « ces décisions unilatérales et autoritaires » fragilisent la concertation, pilier du modèle belge.

« La santé n’est pas qu’une affaire de médecine »

Le Dr Pierre Sasse témoigne de la réalité vécue en première ligne : « Toutes les décisions politiques — revenus, logement, éducation, environnement — influencent la santé. » Il s’inquiète des réformes visant les chômeurs et les invalides, qu’il juge « brutales et inhumaines », et craint une vague de précarisation : « Ces mesures vont abîmer et invisibiliser des vies humaines. »
Redoutant la surcharge de travail et la détresse des patients, il manifeste pour « rappeler l’humanité qui est au cœur du métier de soignant ».

« La précarité rend malade »

Dans un texte intitulé « Ce 14 octobre, faisons entendre la voix du soin », la Dre Amélie Cuvelier alerte sur une société « qui souffre ». Elle décrit l’explosion des douleurs chroniques et des troubles psychiques, la pénurie de psychologues, et la « suspicion permanente » envers les malades.
Elle dénonce « une logique comptable qui réduit les patients à des numéros, les travailleurs à des coûts et les soins de santé à un marché ».
Selon elle, les politiques d’austérité « détruisent le tissu social » et menacent des projets de terrain essentiels comme l’« Espace Jeunes » de La Docherie à Charleroi.

Une fiscalité « déguisée »

Pour la Dre Anne Gillet, le choix de réduire la taxation sur les revenus et les patrimoines tout en imposant des économies sur les soins revient à « prélever directement dans la poche des citoyens et des soignants ».
Elle y voit « une fiscalité déguisée, non équitable, qui cible les malades, les précaires et les professions non marchandes ». À terme, prévient-elle, « c’est l’État lui-même qui en paiera le prix, dans un effet boomerang social ».

« La santé, c’est l’affaire de toutes les politiques »

La Dre Catherine Framba souligne que les décisions du gouvernement fragilisent la sécurité sociale et creusent les inégalités.
« La santé ne dépend pas seulement des soins médicaux, mais aussi de l’emploi, du logement, de la dignité », rappelle-t-elle. Elle appelle le GBO à « affirmer publiquement que défendre la solidarité, c’est défendre la santé ».

« Je ne verrai pas mes patients »

Le Dr Pierre Hallet, installé à Saint-Josse-ten-Noode depuis 5 ans, explique avoir annulé ses consultations pour manifester. Il décrit des patients « terrorisés à l’idée de ne plus pouvoir payer leur logement ou se nourrir sainement ».
Selon lui, les réformes du gouvernement « vont appauvrir, précariser et humilier » les plus fragiles, aggravant la santé mentale et physique des Belges.
« La santé est une question éminemment politique », conclut-il, invitant le syndicat à unir les médecins « pour défendre une société humaine, solidaire et accessible ».

Une crise sanitaire silencieuse

Enfin, le Dr Marc Jamoulle met en lumière « une crise sanitaire silencieuse » liée au Long Covid, sous-estimée par les autorités.
Il observe « une incapacité prolongée au travail pour la quasi-totalité des patients de plus de 25 ans » suivis pour Long Covid, ainsi qu’une déscolarisation des enfants touchés.
Il appelle à « reconnaître et traiter le Long Covid comme un enjeu de santé publique majeur », regrettant l’absence d’initiatives politiques ou académiques face à cette situation.

Un appel à la cohérence et à la justice sociale

Ces témoignages, souligne le GBO/Cartel, illustrent la fracture croissante entre la logique de rentabilité et la mission humaniste du soin. Tous appellent à une refondation du modèle de santé belge sur des bases de solidarité, d’accessibilité et de respect du travail médical.

« Health in all policies » doit redevenir un principe d’action, conclut le GBO, pour éviter que la santé publique ne devienne « la variable d’ajustement » d’autres politiques.

> Découvrir l'intégralité des témoignages 

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