Les psychiatres russes dénoncent une loi sur l'internement forcé dans les asiles

Des psychiatres et des défenseurs russes des droits de l'Homme ont dénoncé mercredi un amendement récemment voté par les députés qui autorise un procureur à demander à un tribunal l'internement forcé d'une personne dans un asile psychiatrique. Jusqu'à présent, seuls les médecins pouvaient faire cette demande à un tribunal.

La Douma (la chambre basse du parlement russe) a voté à l'unanimité en troisième et dernière lecture cet amendement.

"Il s'agit d'une nouvelle tentative d'abus dans la psychiatrie", a affirmé à l'AFP le psychiatre et expert judiciaire russe Emmanouïl Gouchanski.

"Cette loi donne au procureur un droit qu'il ne devrait pas avoir. Seuls les médecins doivent pouvoir enclencher une procédure d'internement forcé", a estimé pour sa part Svetlana Gannouchkina, de l'ONG russe de défense des droits de l'Homme Mémorial.

A l'époque de l'URSS, de nombreux dissidents ont été internés en asile psychiatrique pour notamment "schizophrénie latente".

Ce texte risque de faire renaître la psychiatrie punitive qui existait à l'époque soviétique, craignent des experts.

"Formellement, la loi n'a pas changé: pour prendre une décision sur une hospitalisation forcée, il faut toujours présenter un avis du médecin", note un juriste, Pavel Kantor, cité par le quotidien Novaïa Gazeta.

"Mais le droit du procureur de prendre l'initiative de la procédure à l'égard des malades élargit le cadre pour des opérations illégales et des abus", ajoute-t-il.

"Nous connaissons de tels cas et, malheureusement, cette pratique est en train de renaître", déplore pour sa part la directrice de l'Association psychiatrique indépendante, Lioubov Vinogradova, citée par Novaïa Gazeta.

Mme Vinogradova donne l'exemple d'Evgueni Berkovitch, "un ancien procureur devenu avocat" dans la région de Rostov-sur-le-Don (sud-ouest) qui "dénonçait la corruption" des autorités locales.

Quelques jours après sa participation à une manifestation de l'opposition, il a été convoqué à la police et les policiers ont appelé une ambulance qui l'a emmené dans un hôpital psychiatrique.

M. Berkovitch a été libéré grâce à ses collègues, mais "si le procureur avait eu alors les pouvoirs" que lui octroie la nouvelle loi, "le tribunal aurait pu ordonner son hospitalisation forcée", estime Mme Vinogradova.

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