Alliance inédite des prestataires de soins, mutualités et hôpitaux contre la ligne du gouvernement

Dans une note commune soumise lundi matin au Comité de l’assurance de l’INAMI, l’ensemble des prestataires de soins, des mutualités et des hôpitaux représentés au sein de cette instance prennent position contre l’orientation politique du gouvernement. Un fait sans précédent. Mais malgré la longueur des discussions, aucun amendement n’a été retenu, a déploré l’Association belge des syndicats médicaux (ABSyM), qui a confirmé lundi à Belga le maintien de son préavis de grève pour le 7 juillet.

Dire que la politique du ministre Frank Vandenbroucke est sous pression relève de l’euphémisme. Les critiques fusent de toutes parts. Dans une note adressée au Comité de l’assurance, les médecins, dentistes, pharmaciens, kinésithérapeutes, mutualités et hôpitaux lancent un signal d’alarme clair : « Cela ne peut plus continuer ainsi. »

« La position commune a été adoptée à l’unanimité ce midi », confirme Stan Politis (ABSyM) à la rédaction. « C’est inédit. Il n’existe pas de signal plus fort à l’attention du gouvernement. » Le représentant gouvernemental, Jeroen Schoenmaekers,  a indiqué que l’exécutif prendrait le temps d’examiner les objections, et attendrait également de voir si la grève des médecins prévue le 7 juillet est suivie.

Dans la note soumise ce matin, tous les syndicats médicaux, les autres professions de soins, les unions de mutualités et les fédérations hospitalières représentées au sein du Comité de l’assurance s’adressent d’une seule voix au gouvernement : « Cela ne peut plus continuer ainsi. Les réformes sont menées à marche forcée, sans débat préalable ni respect des structures de concertation existantes. »

Le point de départ de cette prise de position conjointe réside dans la procédure budgétaire actuelle de l’assurance maladie — ou plutôt, dans l’absence de véritable procédure. La concertation préalable est systématiquement minimisée, voire contournée. Les propositions arrivent tardivement, les conditions-cadres sont floues, et des décisions sont prises avant même qu’un débat sérieux ait pu avoir lieu.

Une concertation vidée de sa substance

« Le fait qu’un projet de budget soit transmis au Conseil des ministres avant toute discussion au sein du Conseil général en est un exemple flagrant », lit-on dans la note. « Le Conseil des ministres peut même approuver un projet de budget sans que le dossier ait été soumis au Conseil général. La compétence de ce dernier devient alors une coquille vide. »

Or la définition du budget trace les grandes lignes de la politique à venir. Si ces lignes sont fixées unilatéralement par le gouvernement, sans contribution du terrain, c’est toute la légitimité et l’efficacité du système qui s’en trouvent affaiblies. Ignorer l’expertise des médecins et des institutions de soins, c’est courir le risque d’adopter des mesures inefficaces, inapplicables ou contre-productives.

Un modèle de cogestion unique

La Belgique repose sur un modèle de cogestion unique en son genre : prestataires de soins et mutualités participent ensemble à l’élaboration de la politique de santé. « Ce système garantit un équilibre, un ancrage sur le terrain et des décisions adaptées à la réalité », soulignent les signataires. « Nous appelons le gouvernement à ne pas sacrifier ce modèle de concertation, qui fonctionne depuis 65 ans. »

La cogestion par les soignants et les mutualités représente, selon eux, « la meilleure garantie pour que les mesures atteignent leurs objectifs, en s’appuyant sur l’expertise, la connaissance du terrain et une compréhension fine du fonctionnement complexe de notre système de soins ». Et d’ajouter : « Cette concertation mérite d’être actualisée, mais il serait dangereux de jeter le bébé avec l’eau du bain. »

Des réformes à coordonner

La note plaide enfin pour une meilleure cohérence dans les réformes. Introduire une modification de la nomenclature en 2028, tout en avançant d’autres chantiers à marche rapide, crée un déséquilibre. Cela engendre « chaos sur le terrain, perte d’efficacité et conséquences sur la stabilité et la viabilité du système de soins – et donc sur les patients. »

Le fait que tous les partenaires du Comité de l’assurance élèvent aujourd’hui la voix ensemble est sans précédent. Ils ne le font pas parce que leurs intérêts coïncident  — ce n’est pas le cas — mais parce que le socle commun à leur action est en train de se fissurer : confiance, concertation, transparence.

> Lire la note et les réactions

Lire aussi:

> L'ABSyM maintient son préavis de grève à l'issue de la réunion du Comité de l'assurance 

> Projet de loi-cadre santé : l’ABSyM et le Cartel remettent leurs contre-propositions au cabinet Vandenbroucke

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Derniers commentaires

  • Nathalie PANEPINTO

    29 juin 2025

    L'accessibilité financière des soins bute contre le prix de médicaments. Le ministre ne touche pas beaucoup à cet obstacle car, contrairement aux patients (voulant souvent, tout, tout de suite), les médicaments ne votent pas...

  • Francois Planchon

    27 juin 2025

    Une alternative à la grève, plus efficace et moins chronophage ? Suggestion :
    Si plusieurs centaines (voir plus) de personnes concernées se coordonnent pour essayer d'atteindre au téléphone pour exprimer leur mécontentement (ce n'est pas un délit), étalés sur toute la journée, les jours ouvrables, au finish (càd plusieurs mois si nécessaire) le ou les cabinet ministériel concernés, leurs communications vont être saturées ! Idem avec un mail et avec un courrier chaque jour...
    Un cabinet ministériel ne peut pas fonctionner si ses canaux de communication sont saturés...
    Une proposition inter-professionnelle réaliste est à mettre sur la table, avec au finish, le blocage des cabinets ministériels concernés... tant qu'elle n'est pas acceptée.
    Ils n'auront pas d'autre choix que de céder... ou de démissionner : et cela sera moins chronophage pour nous tous que des jours de grève qu'il faudra quand même rattraper dans son travail... ou des manifestations qui nous prennent à chacun 1 jour de travail...
    Pour chacun des travailleurs et praticiens concernés, pas grand chose : chaque jour ouvrable qcq coup de fils dans une plage horaire coordonnée, un mail, une lettre... Pour fonctionner, les cabinets sont obligés d'ouvrir chaque mail, chaque lettre, et d'en lire sommairement le texte, mais ils n'ont PAS le personnel pour le faire. Si leurs lignes sont saturées, ils ne peuvent plus travailler car un cabinet politique a besoin de pouvoir être joint pour fonctionner...
    Pour motiver les troupes, on diffusera évidemment régulièrement sur les réseaux sociaux les coups de gueule, la montagne de courrier en retard etc... soigneusement récoltés par les organisations syndicales concernées.
    Pour suggestion

  • Yves METENS

    26 juin 2025

    je sais pas comment vous pouvez faire grève un lundi ...
    donc solidaire mais je travaillerai en expliquant pq je fais pas grève

  • Claude Leroy

    24 juin 2025

    Ma patientèle est certes limitée, mais n'empêche : grève aussi ce jour-là.

  • Philippe TASSART

    23 juin 2025

    J'en serai aussi, bien sûr.

  • Charles KARIGER

    23 juin 2025

    Mais ce n'est qu'un hors d’œuvre. Préparons-nous à un été chaud et rude. Le ministre s'est engagé et est résolu à suivre LES ORIENTATIONS ET LE CALENDRIER (!!) PRÉVUS DANS L’ACCORD DE COALITION. »
    Avanti, popolo ! La lotta continua !

  • Bruno LULLING

    23 juin 2025

    Je serai en grève !

  • Ariane BOUILLON

    23 juin 2025

    Cabinet en grève pour ma part

  • Charles PARMENTIER

    23 juin 2025

    "Le représentant gouvernemental, Jeroen Schoenmaekers, a indiqué que l’exécutif prendrait le temps d’examiner les objections, et attendrait également de voir si la grève des médecins prévue le 7 juillet est suivie."
    Ils nous mettent au défi... Cette grève doit être maintenue et largement suivie!