Dépistage du cancer colorectal: un frein, le MG?

A lire l’onco-gastro-entérologue liégeois Ghislain Houbiers, les MG étaient un frein, à présent levé, à une bonne adhésion au test de selles pour déceler le cancer colorectal. Du côté de la SSMG, on rappelle que la prévention ne figure pas dans la nomenclature du généraliste. Et on se demande si les gastros, qui vivent de leurs colonoscopies, distillent toujours aux patients des conseils 100% désintéressés.

Le mois de mars est placé, au niveau international, sous le signe de la lutte contre le cancer du côlon. Au micro de nos confrères du Spécialiste, le Dr Ghislain Houbiers, onco-gastro-entérologue au CHC de Liège et président de la Fédération liégeoise de cancérologie digestive, commentait récemment le différentiel nord/sud constaté en matière de dépistage (lire le texte du Spécialiste dans son intégralité). La Wallonie et Bruxelles font visiblement moins bien que la Flandre. En 2016, en Flandre, 54,5% des personnes à avoir reçu le test de selles ont renvoyé un échantillon; en 2017, la participation moyenne francophone se situait à 14,6%.

Ce succès moindre a vraisemblablement une explication plurifactorielle, indique le Dr Houbiers, qui se félicite toutefois que deux freins aient été levés: d’une part, l’adoption depuis deux ans au sud du pays du même test qu’en Flandre et de l’autre, la fin du passage obligé chez le MG «puisque depuis quelques mois, les gens ont le choix entre aller chez leur généraliste ou demander qu’on leur envoie le test directement chez eux». Selon le spécialiste, l’implication des MG est un échec: «il était logique de penser que le fait que ce soit le MG du patient qui lui explique le test était une bonne chose. Mais, dans la pratique, c’était une très mauvaise idée puisque les généralistes sont de moins en moins impliqués, ils sont débordés et en outre, ils ne sont pas toujours très convaincus…» Le test a toutefois permis, dit-il, de sensibiliser le public à la logique de dépistage, d’amorcer le dialogue entre patients et gastro-entérologues et, une fois les premiers devant les seconds, de pouvoir procéder à des colonoscopies.

Ces déclarations n’ont pas manqué de susciter une réaction circonspecte chez Thomas Orban, le président de la SSMG. Il n’est, comme on s’en doute, pas ravi de voir que la médecine générale est «une nouvelle fois placée devant un discours très peu collaboratif de la part d’un spécialiste». Et qualifiée de ‘frein’. «On pourrait se demander ce que racontent les gastro-entérologues aux patients, puisqu’à lire l’interview, les gens qui les consultent auront une colonoscopie. Dès lors que le conseilleur vit de ses conseils, comme les gastro-entérologues vivent de leurs colonoscopies, il y a de quoi se poser des questions. On peut s’attendre à ce que les gastros ne poussent pas réellement les patients, même en l’absence de facteurs de risque, vers un test de dépistage tel le test de la Communauté française. Peut-être pourraient-ils faire mieux, de leur côté, pour en assurer la promotion…»

Le président de la SSMG admet que, si ce test a bien été distribué au public cible francophone, les gens ne l’utilisent pas forcément, sans doute aussi parce que personne n’adore manipuler ses excréments. Ce dont on peut difficilement tenir les généralistes pour responsables. 

«Enfin, il faut bien préciser que la prévention ne fait pas partie de la nomenclature MG», ajoute encore le Dr Orban. «Un généraliste n’est pas honoré pour les interventions préventives. Encore moins depuis que le DMG+ a été mis à la poubelle. Il est normal, à un moment, que les prestataires payés à l’acte privilégient leurs revenus. Qu’ils n’adoptent pas cette attitude très idéaliste qu’espèrent les pouvoirs publics et qui consisterait à se mettre à faire plein de prévention, alors qu’ils ne sont absolument pas rétribués pour ça.»

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Derniers commentaires

  • Simone ULRIX

    09 mars 2018

    Ce qui échappe aux statistiques: le test iFOBT utilisé par la campagne de dépistage est également pratiqué dans les laboratoires. Pour des chiffres significatifs, il faudrait rajouter les tests demandés par les généralistes à leur labo dans le cadre d'un bilan biologique, par ex dans le cadre d'une démarche de prévention que nous continuons à faire même s'il n'y a pas de nomenclature y afférente. Mais si les autorités veulent savoir ce que nous faisons en matière de prévention, qu'ils commencent effectivement par reconnaître et honorer notre rôle. Pas de reconnaissance, pas d'enregistrement épidémiologique!

  • Monique DUMOULIN

    09 mars 2018

    C'est une vraie punition de se procurer les tests, il faut les commander, que le patient ait sa carte d'identité , un ordinateur, ça prend du temps, j'en ai reçu au compte-gouttes, je n'en ai pas quand j'ai besoin et maintenent plus du tout puisque je ne sais plus à qui j'ai donné à domicile , quand j'en avais , ou un jour d'affluence. Les gens chargés de nous les délivrer ne posteraient que le lundi et que ,si le médecin commande, et non en fonction des retours des tests, ils disent que cela coûte cher, et puis surtout la présentation me dérange : une grande enveloppe de platique, pour un papier enveloppé de plastique, un test de plastique, ok, une protection de plastique, et pour terminer encore une enveloppe de plastique, le cancer et pollution me semblent de bons alliés. Conclusion : j'envoie un test des selles directement au laboratoire et basta. C'est donc conçu pour que ça ne fonctionne pas et les conclusions sont tout à fait faussées. Dr Monique Dumoulin

  • Patrick LOVENS

    08 mars 2018


    En Flandres, le gens trouvent leur test gratuitement en pharmacie. En Wallonie, Il faut les demander au centre de dépistage. Quand j'en demande en tant que généraliste, je n'en reçois guère. Dr Lovens

  • Jean-Louis MARY

    08 mars 2018

    Résultats à prendre avec beaucoup de circonspection : personnellement beaucoup de patients me font part
    du courrier reçu de demande de test et je leur demande de porter un échantillon de selles au labo avec lequel
    je travaille majoritairement ; ils ne rentrent pas dans les 14% officiellement dépistés, les flamands sont plus
    habitués aux "parcours directifs"...question de culture .
    D'autre part, les dépistages de masse et leur utilité sont perpétuellement remis en cause, Bordet vient d'abandonner le dépistage mammo 50/75 ans biannuel au profit d'un dépistage plus ciblé,tout dernièrement
    des études remettent à nouveau en avant l'inutilité du dosage PSA etc ...
    On peut proposer au patient et l'informer mais in fine cela doit aussi rester une démarche personnelle et le but à atteindre n'est pas de battre le score de la Flandre !
    Bien sûr, les gastroentérologues rêvent d'une colono de dépistage / cinq ans pour 100% de la population,
    cela ferait les choux gras des directeurs financiers hospitaliers et dans quinze ans il n'est pas certain que l'on
    constaterait une diminution de morbidité significative.

  • Dominique VANDENBOSSCHE

    08 mars 2018

    Enfin on ose parler de la non-rémunération des généralistes...

  • Christian MASSART

    08 mars 2018

    Il fut un temps ... où la collaboration était excellente ...! mais il est facile de critiquer les MG puisque le retour vers ceux qui pointent le doigt sera ou est réduit ...!