Les médecins luxembourgeois ont rompu ce vendredi avec la Caisse nationale de santé, dénonçant un système trop rigide et insuffisamment adapté à l’extrahospitalier. Une crise qui n’est pas sans rappeler les tensions actuelles autour de la pratique médicale en Belgique.
Les médecins libéraux luxembourgeois ont franchi une étape inédite dans le rapport de force avec les autorités sanitaires. L’Association des médecins et médecins-dentistes du Luxembourg (AMMD) a officiellement résilié la convention qui les lie à la Caisse nationale de santé (CNS) depuis des décennies.
Cette rupture intervient après des années de tensions autour de la liberté d’exercice, des tarifs et de la place du secteur extrahospitalier. Les représentants de l’AMMD évoquent un système devenu « un carcan légal et réglementaire », voire « anticonstitutionnel », écrit le magazine Paperjam sur son site, qui ne permettrait plus de répondre efficacement aux besoins des patients.
Le financement des différentes composantes du système cristallise les frustrations. « Les établissements hospitaliers sont financés de A à Z. Dans les cabinets privés, les médecins doivent financer l’ensemble de la structure uniquement à l’aide des honoraires. Le système n’est ni solidaire ni équitable », souligne le Dr Carlo Ahlborn, interrogé par le journal luxembourgeois Le Quotidien.
La valeur de la lettre-clé (VLC), base de calcul des honoraires au Luxembourg, constitue l’autre principal point d’achoppement. La revalorisation maximale légalement possible est de 2,68 % tous les deux ans, mais la CNS a proposé 1,34 % pour les médecins et 0 % pour les dentistes. « La méthodologie de calcul est obsolète et ne tient nullement compte du progrès médical ni des coûts croissants des cabinets », explique le Dr Chris Roller, président de l’AMMD, dans Le Quotidien.
Selon Paperjam, l’effort budgétaire serait limité à 12 millions d’euros au lieu des 24 millions nécessaires pour atteindre le plafond légal.
Au-delà de la rémunération, l’AMMD demande un élargissement des interventions autorisées en cabinets privés afin d’accélérer le virage ambulatoire : cataracte, vasectomies, coloscopies, gastroscopies, ou encore petites interventions sous anesthésie locale. « On a besoin d’une ouverture plus large pour les cabinets médicaux privés. Les temps d’attente seraient réduits et les coûts moindres pour l’assurance maladie », souligne le Dr Roller dans Le Quotidien.
La ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, Martine Deprez, plaide pour maintenir le dialogue au sein de la quadripartite et souligne que les soins restent conventionnés pendant douze mois, le temps de renégocier un cadre durable. Le contexte financier reste délicat : selon Paperjam, la CNS devra compter sur un apport étatique renforcé, de 59 millions d’euros prévus en 2026 contre 20 millions initialement annoncés.
Si aucun accord n’est trouvé avant l’automne 2026, les actes pourraient sortir du cadre de remboursement automatique, avec honoraires libres et remboursement partiel ultérieur — un scénario que tous souhaitent éviter, mais qui n’est plus exclu.
En filigrane, une inquiétude qui résonne aussi en Belgique
Cette crise révèle les tensions d’un modèle où la solidarité doit composer avec les contraintes budgétaires et les attentes d’une profession sous pression. Et ce débat luxembourgeois n’est pas sans écho de l’autre côté de la frontière. En Belgique aussi, les syndicats de médecins alertent sur la possibilité de ne pas reconduire la convention médico-mutuelle s’ils jugent les économies exigées excessives ou arbitraires. Même enjeu : préserver l’attractivité de la médecine libérale, tout en garantissant un accès rapide et équitable aux soins.








