Un médecin ne pourra plus dénoncer d'infraction sur un mineur ou une personne vulnérable

Un arrêt de la Cour de cassation de mars dernier examiné par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) indique que l’article 458bis du Code pénal - qui permet à un médecin qui a connaissance d'une infraction spécifique commise sur un mineur, d’alerter la justice - n'est pas applicable dans le cas où il n'a eu un contact qu’avec la victimeIl faut aussi avoir eu contact avec l’auteur. Ce qui laisse le Cnom dubitatif.

D’après l’article 458bis du Code pénal, le médecin qui a connaissance d'une infraction spécifique commise sur un mineur ou une personne vulnérable (voyeurisme, attentats à la pudeur, viols, fait liés à la prostitution, à la pédopornographie, meurtres, coups et blessures volontaires, mutilations génitales, traites d’êtres humains, etc.), peut en informer le procureur du Roi, notamment lorsqu'il existe un danger grave et imminent pour l'intégrité physique ou mentale de la victime, et que celle-ci n'est pas en mesure, seule ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité.

Or, d’après un arrêt de la Cour de cassation du 26 mars dernier examiné par le Cnom, cet article n'est pas applicable dans le cas où un professionnel des soins «n'a eu un contact qu’avec la victime d'une infraction au sens de cet article». En d'autres termes, explicite l’Ordre, le médecin ne peut invoquer l'exception prévue par l'article 458bis que s'il a été en contact avec l'auteur et la victime de l'infraction. Pour lui, la nouvelle condition imposée par la Cour est problématique par rapport à la position déontologique qu’il adoptait jusqu'à présent.

Il rappelle ce qui incombe à un médecin (une fonction de soin et de protection du mineur, qu’il doit mettre en sécurité et avec lequel il doit discuter pour l’encourager à prendre des initiatives). «Le cas échéant, le médecin signale le problème aux autorités compétentes, pour autant que les conditions prévues à l'article 458bis soient remplies ou que le médecin puisse s’appuyer sur une autre exception légale ou jurisprudentielle au secret professionnel». En revanche, d’après l’Ordre, «il n'appartient pas au médecin d'assumer le rôle d’officier de police judiciaire. Le médecin a un devoir déontologique de neutralité et doit s'abstenir de porter un jugement sur un éventuel auteur.» Conclusion: «la condition supplémentaire posée par la Cour de cassation est difficilement applicable en pratique». Interrogé par téléphone, le Vice-Président du Conseil national, Philippe Boxho, déclarait que si l'arrêt de la Cour de cassation reste dans l'état , il déconseillera aux médecins de dénoncer les abus qu'ils constateraient. En espérant toutefois que la Cour de cassation fasse marche arrière .

Le Conseil national signale en outre avoir déjà critiqué le caractère absolu la règle «patient-victime», en 2015. Toute rupture du secret doit être appréciée par le médecin, le fait que le patient ait été victime d'une infraction ne constituant pas une raison suffisante pour se délier du secret.  

> Lire l'intégralité de l'avis de l'Ordre

Lire aussi : Levée du secret médical: et s'il y avait un malentendu?

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Derniers commentaires

  • Francois Planchon

    04 janvier 2022

    Surréaliste... Donc si un médecin constate (par exemple) les séquelles d'un viol subi par un mineur d'âge, il ne pourrait alerter les autorités QUE si il a un contact avec le violeur (en admettant qu'il ait été désigné par la victime)...
    On oublie qu'un contact avec le violeur peut mettre le mineur en danger, et qu'il peut aussi impliquer de trahir le secret professionnel (ce que le mineur lui a confié), en montrant au violeur qu'il est au courant...
    Revenons vers un peu de bon sens : si une personne est en danger grave, et est incapable de s'en protéger, le secret professionnel tombe d'office en ce qui concerne les éléments nécessaires à sa protection par les services habilités à assurer cette protection...
    Et si un praticien n'alerte pas les services chargés d'assurer cette protection, il y a bel et bien non assistance à une personne en danger, ce qui est (aussi) une infraction grave !
    Pour assurer la protection des personnes vulnérables, toute société a besoin d'un minimum de secret professionnel "partagé", entre les institutions chargées de la protection des personnes... limité aux éléments nécessaire pour juger si une intervention est nécessaire.
    Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de connaître l'identité d'un agresseur pour dénoncer une agression, lorsque la personne agressée n'est pas en état (physique et/ou moral) de réagir, d'assurer sa sécurité !
    Prendre du recul et réfléchir sereinement aux limites juridiques est une chose, mais faire de la casuistique juridique contraignante, voir menaçante, est dangereux pour les victimes qui risquent de se retrouver seules devant leurs bourreaux...

  • René SPITAELS

    03 janvier 2022

    Recours à la Cour Européenne des Droits de l'Homme, et le plus vite possible, car il s'agit d'une atteinte caractéristique des droits de protéger une victime de ces mêmes droits; éventuellement demander une analyse à cette cour de la façon dont la belgique nomme les membres de sa cour de casssation et de la c

  • Didier GOBEAUX

    03 janvier 2022

    Et le RGPD? vous n'en parlez pas!
    Pour qu'une sauce prenne, il ne faut omettre aucun ingrédient pardis!

  • Charles KARIGER

    03 janvier 2022

    Sans oublier la capacité REMBOURSOLOGIQUE: 80 (oui, QUATRE-VINGT! ) codes différents pour soigner le même bobo selon l'heure, le lieu, la position des astres, et la couleur du foie des volailles sacrées.

  • Yves Van Crombrugge

    03 janvier 2022

    Quelle escalade , le profil du médecin idéal ( médecin, infirmier(e) , technicien(e) , secrétaire ..... ) , doit du POINT DE VUE JURIDIQUE , être un juriste de haut vol.
    Je crois qu'il serait utile que l'ordre des médecins établisse le profil idéal du médecin et collaborateur et collaboratrice ( etc etc ). dans l'ordre ou le désordre: CAPACITE MEDICALE ( intellectuelle, technique , etc , etc ) à effectuer son métier, ceci ne devrait pas poser trop de problèmes à être estimé , CAPACITE JURIDIQUE à effectuer son métier . ( une formation est indispensable et facile à contrôler ) CAPACITE " NUMERIQUE " à effectuer son métier ( nos experts informatiques sont là pour l'apprécier) CAPACITE EMPATHIQUE à l'effectuer ( le profil d'un spécialiste de la médecine humaine est très différent d'un spécialiste de la médecine vétérinaire, les femmes ne sont pas les égales des hommes ( autos? proclamés sexe fort ) ) Ce dernier point me semble le plus difficile à coter . Dr Yves Van Crombrugge