Les médecins appellent la coalition Arizona à rompre avec la « médecine d’État »

 Le nouveau think tank Vista Minds, lancé à Louvain par l’orthopédiste et professeur Kristoff Corten, a réuni médecins et responsables politiques autour d’un message clair : redonner de l’air à l’entrepreneuriat médical et mettre fin à la centralisation croissante du système de santé. Plusieurs représentants du corps médical ont interpellé les partis de la future coalition « Arizona », accusée de cautionner les dérives d’une « médecine d’État ».

Officiellement créé le 14 octobre, Vista Minds se veut un groupe de réflexion indépendant des syndicats médicaux. Sa mission : proposer des solutions concrètes pour la survie des soins ambulatoires, fragilisés par la concentration hospitalière et les contraintes budgétaires. Pour sa première rencontre, le think tank a confronté plusieurs représentants médicaux à trois personnalités politiques : Frieda Gijbels et Kathleen Depoorter (N-VA) et Irina De Knop (Open VLD).

« Rétablir des conditions équitables »

Le Dr Stan Politis, président du Groupement belge des spécialistes (GBS) et vice-président de l’Association belge des syndicats médicaux (ABSyM), a réclamé une révision urgente de deux articles de la législation de l’assurance soins de santé : l’article 15, § 2 et l’article 35, § 4, qui imposent l’intégration de tous les coûts directs et indirects dans les honoraires. « Ces dispositions rendent économiquement intenables les pratiques extra hospitalières, notamment en pédiatrie. Le ministre Vandenbroucke veut ramener les soins à l’hôpital. Il faut rétablir des conditions équitables ! », a-t-il lancé, sous les applaudissements.

Thomas Gevaert, président de l’ASGB (Cartel), a dénoncé une politique qui, sous couvert de régulation, « étrangle les prestataires ». Selon lui, « le ministre limite les sources privées comme les suppléments et encadre la tarification ; il nous condamne à être indépendants sans liberté thérapeutique ni financière ».

Le Dr Jos Vanhoof, président du VAS, a fustigé la logique d’un ministre qui « présente les médecins comme subventionnés », alors que « les véritables bénéficiaires des subsides publics sont les patients ».

Un dialogue à sens unique

Le vice-président de l’ABSyM, le Dr Johan Blanckaert, a réfuté les affirmations du ministre selon lesquelles il aurait longuement consulté le terrain. « Ces réunions ne sont pas des concertations, mais des monologues », a-t-il déclaré, évoquant des échanges où les demandes de clarification restent sans réponse. Lors d’une présentation sur la réforme hospitalière, Frank Vandenbroucke aurait même évoqué la possibilité de retenues sur la part professionnelle des honoraires dès la deuxième année. « C’est inacceptable », a réagi Johan Blanckaert, estimant que « certains hôpitaux et mutualités veulent rouvrir la porte à ces prélèvements ».

Interrogées, Frieda Gijbels et Kathleen Depoorter (N-VA) ont confirmé que ces mesures ne figurent pas dans l’accord de gouvernement. Pour Irina De Knop (Open VLD), membre de l’opposition, « ce qui est aujourd’hui inscrit dans la loi-cadre n’aurait jamais été accepté chez nous. Nous glissons vers la médecine d’État ».

Défendre l’innovation médicale

Le débat s’est également penché sur la question de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Le Dr Tom Bovyn, président de la Fédération des professions libérales (FPL), a ironisé : « Nous devrions presque remercier Frank Vandenbroucke : sans sa loi-cadre, nous ne serions pas ici. Mais nous sommes enfermés dans une cage dorée, dans un cadre qu’il a lui-même dessiné. » Sa fédération a transmis deux avis négatifs au Conseil Supérieur des Indépendants et des PME, estimant que les restrictions imposées sur les suppléments d’honoraires constituent une atteinte à la liberté d’entreprendre.

Le Dr Politis a insisté sur le fait que « l’innovation naît du terrain, pas d’un cabinet ministériel ». Le Dr Gevaert a abondé : « C’est une illusion de croire que l’État peut suivre le rythme de l’innovation médicale. »

Pour l’économiste Ivan Van de Cloot, il faut revenir aux fondamentaux : « Les médecins ne sont pas subventionnés, ils sont rémunérés pour un service rendu. Notre système s’est bâti sur la liberté de choix et l’esprit d’entreprise, pas sur la planification centralisée. »

Rompre la logique verticale

Le débat organisé à Louvain par le nouveau think tank Vista Minds a mis en évidence une fracture croissante entre soignants et décideurs. Les médecins présents ont appelé les futurs partenaires de la coalition Arizona à rompre avec la logique verticale d’un État gestionnaire et à redonner aux praticiens une autonomie réelle, tant financière que clinique. Derrière la critique, une même inquiétude : voir disparaître la dynamique d’innovation qui a longtemps fait la force du système de santé belge.

Lire aussi: Le milliard des mutualités au cœur d’un débat entre médecins et politiques à Louvain

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