Opération Bruxelles : quatre jours de grève des chirurgiens français du 11 au 14 janvier

Face au durcissement annoncé sur les suppléments d’honoraires, l’Union des chirurgiens de France lance l’« Opération Bruxelles », une grève nationale du 11 au 14 janvier 2026. Plusieurs milliers de praticiens prévoient de quitter la France pour se regrouper dans la capitale belge, afin d’échapper aux réquisitions.

Les tensions montent entre le gouvernement français et les médecins spécialistes exerçant en secteur 2, un régime qui autorise les praticiens conventionnés à fixer librement leurs tarifs au-delà du montant remboursé par la Sécurité sociale. Ces honoraires additionnels, nos suppléments d’honoraires en Belgique, ne sont pas pris en charge par l’assurance publique et restent à la charge du patient. Certaines assurances complémentaires peuvent éventuellement les rembourser partiellement, selon le contrat souscrit.

Selon un rapport publié début octobre par le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie (HCAAM), ces suppléments ont représenté 4,3 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 5 % par an depuis 2019. Plus de la moitié des spécialistes français (56 %) exercent désormais en secteur 2, contre 37 % en 2000. Le HCAAM alerte sur un « risque réel de renoncement aux soins » pour les patients, notamment lors d’interventions chirurgicales lourdes. Pour une prothèse de hanche, les suppléments moyens atteignent 630 euros, et dépassent 1 000 euros dans 10 % des cas.

Un second rapport parlementaire, commandé par François Bayrou, est attendu mi-octobre et devrait confirmer ces constats.

Une grève inédite et un départ collectif vers Bruxelles

L’Union des chirurgiens de France (UCDF) et le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France, membres d’Avenir Spé – Le Bloc, ont lancé un appel à la mobilisation baptisé « Opération Bruxelles ». Du dimanche 11 au mercredi 14 janvier 2026, les praticiens libéraux du bloc opératoire cesseront toute activité et se regrouperont à Bruxelles. L’objectif annoncé : « créer, du vendredi 9 au jeudi 15 janvier 2026, une situation sanitaire politiquement insupportable, quel que soit le gouvernement en place », précise l’UCDF.

Le mouvement pourrait rassembler près de 20 000 praticiens, dont 16 000 chirurgiens, 3 000 anesthésistes et 1 000 obstétriciens. Plus de 80 autocars sont déjà affrétés pour rejoindre la Belgique. Le coût du séjour varie entre 870 et 1 180 euros, comprenant les réunions syndicales et des activités à Bruxelles.
Le choix de la capitale belge n’est pas anodin : « Il est difficile de procéder à des réquisitions quand les chirurgiens se trouvent à l’étranger », souligne le magazine What’s up Doc, qui relaie les propos de plusieurs praticiens mobilisés.

Des compléments d’honoraires, pas des abus

Pour le Dr Philippe Cuq, coprésident d’Avenir Spé – Le Bloc et chirurgien vasculaire à Toulouse, le débat sémantique est essentiel. « Il faut bien comprendre que certains actes n’ont pas été revalorisés depuis 1990. Est-ce qu’aujourd’hui les patients accepteraient de se faire opérer dans les mêmes conditions qu’il y a trente ans ? », déclare-t-il sur France 3 Occitanie.
Selon lui, ces montants ne constituent pas des excès, mais des compléments indispensables au maintien de la qualité des soins : « Ces compléments nous servent à financer de nouveaux matériels, des robots chirurgicaux, à rémunérer nos équipes et à faire vivre nos cabinets. »

Les mutuelles dans le collimateur

Les syndicats mettent également en cause les mutuelles. « Ce devrait être à elles de rembourser ces frais aux patients qui payent cher leurs cotisations. Les mutuelles ont un chiffre d’affaires de 44 milliards d’euros et augmentent les primes de 8 à 10 % par an », s’indigne le Dr Cuq, cité par What’s up Doc. Ces mutuelles ne doivent pas être confondues avec les mutualités belges : il s’agit d’assurances privées facultatives, et non d’organismes liés à la sécurité sociale comme en Belgique.

Un parallèle avec la Belgique

Si cette mobilisation française frappe par son ampleur, les débats qu’elle révèle font écho à ceux qui traversent le système belge. En Belgique aussi, la question des suppléments d’honoraires suscite des tensions croissantes : entre défense de la liberté tarifaire, transparence envers les patients et volonté politique de limiter les montants facturés dans certains hôpitaux.
La réforme annoncée de la réglementation des suppléments, notamment pour les patients hospitalisés, montre que les deux systèmes sont confrontés à la même difficulté : garantir un accès équitable aux soins tout en préservant une rémunération jugée juste par les spécialistes.

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