Réforme de la nomenclature: Jo De Cock lève un coin du voile

Si on veut en croire Jo De Cock, le moment de vérité est arrivé pour la réforme de la nomenclature, « le centre névralgique du financement des soins de santé ». L’administrateur-général de l’Inami s’est notamment arrêté sur le timing exact des trois équipes qui planchent sur la question.

Jo De Cock a commencé par retracer le parcours que va devoir effectuer cette réforme. « S’il est vrai qu’un système de financement n’est ni bon ni mauvais, il n’est pas neutre non plus. Nous devons attentivement examiner les incitants et les objectifs qu’ils doivent nous permettre d’atteindre », a-t-il souligné. 

Un long chemin

La nomenclature actuelle compte pas moins de 3.748 « libellés » (comprenez, de prestations « étiquetées » classées dans différentes cases) et recouvre un budget annuel de 8 milliards d’euros, 30 % pour les consultations et la surveillance, les prestations dites « intellectuelles », et 70 % pour les autres prestations .

Cela fait plus de 20 ans qu’on parle de la réformer – le sujet a été soulevé pour la première fois à la Chambre en 1996, à l’époque de Magda De Galan, se souvient Jo De Cock. La ministre allait à l’époque lancer un appel d’offres pour une étude sur la révision des honoraires. Au final, la montagne a accouché d’une souris, avec des études passablement sommaires de l’ULB et de la KUL qui ne constituaient pas même l’ébauche d’une approche par projet.

Dans la foulée a été institué un « comité d’évaluation permanente des honoraires », dont la nomination des membres a pris… dix ans. C’est celle qui était encore à l’époque la députée Maggie De Block qui a mis la ministre Onkelinx au pied du mur en lui demandant où en était cette fameuse réforme de la nomenclature. Réponse ? « Le CTM planche activement sur sa modernisation et la médicomut formule des recommandations. »

Revirement

L’accord de gouvernement 2014 a pris le taureau par les cornes et à la médicomut aussi, le dossier a commencé à bouger. « Il faut toutefois non seulement redéfinir la nomenclature, mais aussi la simplifier et mettre fin aux différences injustifiées », précise Jo De Cock. « Standardisation (notamment pour l’OCDE), classification et identification des prestations sont ici les maîtres-mots, en vue d’améliorer la logique interne, la lisibilité, et de parvenir à une réelle transparence. Pour mettre fin aux inégalités de revenus aberrantes, les prestations doivent être « pondérées ». Le tout sans perdre de vue l’évolution de la pratique médicale – "songez par exemple à la télémédecine ou aux nouvelles technologies."

Et comme si tout cela ne suffisait pas, les réformateurs vont également devoir se pencher sur la part (nette et brute) des coûts. « Ce n’est pas un sprint, mais un marathon où nous allons devoir améliorer nos records », résume Jo De Cock. « Néanmoins, il ne s’agit pas non plus d’un plan décennal : nous devons travailler suffisamment vite et de façon suffisamment précise. »

Trois phases

Les trois grandes phases ont déjà été exposées par ailleurs, mais les voici en quelques mots :

1 – Restructurer, développer une nouvelle arborescence suivant la classification ICI (International Classification of Health Interventions) ? Cela suppose de s’écarter d’une logique « par spécialité ». Standardisation suivant une « logique triaxiale ».

2 – Définir pour les rapports entre prestations des critères objectifs tenant compte de la complexité, des caractéristiques du patient, etc. Ils devraient être lancés d’ici la fin de cette année.

3 – Évaluer les coûts de fonctionnement. Isoler les prestations de l’aspect professionnel « sans trop de heurts ».

Trois équipes de recherche

Trois équipes de recherche s’y attachent – là aussi, on le savait déjà. Mais qui fait quoi ?

> ULB : prestations médico-techniques chirurgicales, 2.500 types de prestations et 3,5 milliards de dépenses,

> Möbius : radiothérapie, anatomopathologie, médecine nucléaire, 895 types de prestations décrites et 1,7 milliards de dépenses,

> Ugent, avec le Pr Annemans : les consultations, 2,8 milliards de dépenses, 345 types de prestations.

Elles travaillent ainsi sur trois axes :

> target ou cible (où se passe-t-il quelque chose ? Organe, fonction de l’organisme),

> means ou moyens (quels sont les outils mobilisés ?),

> actions (que fait-on exactement ?).

Les équipes doivent également faire le lien avec la classification internationale ICD10. Cette approche est comparable à celle déployée dans d’autres pays. Elles sont en contact avec l’OMS pour partager leurs expériences au-delà de nos frontières.

Des groupes de travail par spécialité ont également été mis sur pied. Ils comprennent des représentants du GBS, des syndicats, des universités, des mutuelles et des sociétés scientifiques. Des réunions sont organisées depuis octobre 2019 et sont systématiquement documentées. Leur objectif ? Contrôler la conformité avec la pratique médicale telle qu’elle est définie à l’heure actuelle.

Timing

Chacun des groupes de recherche a défini un timing ou s’apprête à le faire. En décembre, l’ULB a déjà organisé des réunions pour l’urologie, la cardiologie, la pneumologie, l’ORL et la chirurgie thoracique. La gastroentérologie, la chirurgie abdominale et la gynécologie-obstétrique devraient suivre d’ici au mois d’avril, la chirurgie vasculaire, les interventions percutanées, la chirurgie esthétique, l’ophtalmologie, la stomatologie, la rhumatologie et la dermatologie en septembre et enfin l’orthopédie en décembre.

Möbius a constitué en décembre 2019 un groupe d’experts pour la biologie clinique, l’anatomopathologie, la médecine nucléaire et la radiothérapie. Une analyse internationale et un affinage de la méthodologie étaient prévus en janvier et des groupes d’experts devraient être lancés ce mois-ci et le mois prochain.

L’UGent, enfin, vient de lancer une analyse internationale et poursuit la réalisation d’ « entretiens semi-structurés ».

Jo De Cock a également évoqué quelques questions fréquemment posées :

- Quel est le lien avec des réformes en cours comme par exemple les soins à basse variabilité ?

- À quelle vitesse devrait se dérouler ce processus ?

- Quid des nouvelles prestations ?

- Existe-t-il un lien avec d’autres secteurs comme celui des dispositifs médicaux ? Quid de l’intégration du processus entre plusieurs spécialités – en d’autres termes, de la connexité ?

- Quid de la transition de l’hôpital vers un cadre ambulatoire ?

- Quid des facteurs qui alourdissent la prise en charge (néonatalité, etc.) ?

- Quid des paiements groupés ?

- Quid de la granularité de la nomenclature ?

Il reste donc encore bien des interrogations sans réponse et Jo De Cock n’a pas manqué de souligner qu’un alignement accru et davantage de clarté restent nécessaires. « Le grand problème va être les retenues sur les honoraires, qui risquent fort de nous jouer des tours pour organiser tout ceci. Comment identifier les coûts ? Certains sont efficacement inclus dans la nomenclature, mais ce n’est pas toujours le cas… »

Lire aussi: 
> Nomenclature: c’est parti pour 4 ans de travaux de modernisation
La Réforme de la Nomenclature pour les Nuls (J. de Toeuf)

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.