Violences envers les femmes: faut-il lever le secret médical?

Ce week-end, des textes ont été déposés à la Chambre visant l'inscription du féminicide dans le code pénal.  La définition serait celle retenue par l’OMS: "tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu'elles sont des femmes". La France lorgne du côté de la levée du secret médical dans les cas de violences conjugales. Les médecins devraient-ils avoir la liberté d’appeler le parquet?

En Belgique, en vertu de l’article 29 du Code de déontologie, le médecin qui soupçonne qu’une personne vulnérable est menacée par un danger grave et imminent peut, dans le cadre de son obligation légale d’assistance, avertir le procureur du Roi lorsqu’il ne peut pas lui-même ou avec l’aide d’autrui protéger l’intégrité de cette personne. L’Ordre insiste toutefois sur le côté « dernier recours » de la démarche, qui amène le médecin à dévoiler des confidences recueillies sous le couvert du secret.

La problématique est complexe, insiste l’Ordre dans les commentaires de l’article. Il rappelle que le secret a pour objet de protéger la relation de confiance soignant-soigné. En outre, il convient de respecter le droit à l’autonomie du patient. A partir du moment où la victime de violence est capable de discernement et d’entreprendre des actions pour défendre ses intérêts, le médecin l’accompagne, mais ne décide pas à sa place. Et ce, peu importe son genre. Il est vrai qu’on peut tiquer à l’idée qu’être du sexe dit faible vous range d’office dans une catégorie plus « assistée »... Toujours est-il que d’un point de vue déontologique, l’Ordre préconise d’envisager d’abord des initiatives graduelles et autres que répressives : mettre la personne en sécurité, examiner avec elle si elle est en mesure de prendre des initiatives, consulter - si elle y consent - un prestataire de soins compétent en la matière ou faire appel à une structure pluridisciplinaire etc. « Le Conseil national n’associe pas l’état de vulnérabilité au genre. Autrement dit, le seul fait d’être une femme ne fait pas de celle-ci une personne vulnérable au sens de la déontologie médicale », commentent le Pr Rombouts, vice-président francophone, et Anne-Sophie Sturbois, juriste auprès de l’Ordre.

Dans un avis de 2015, celui-ci a par ailleurs estimé « qu'il n'existe pas d'obligation ou même de droit à informer systématiquement le procureur du Roi » quand un médecin apprend qu’un patient a été victime d'une infraction pénale. Il doit apprécier la situation au cas par cas « au vu des exceptions légales, en particulier l'article 458bis du Code pénal et de l'état de nécessité ».

On remarquera qu’au fil des ans, l’énumération des raisons de vulnérabilité dans ledit article s’est allongée : à l’âge, la grossesse, la maladie, l’infirmité ou la déficience physique ou mentale se sont ainsi ajoutées « la violence entre partenaires » et les « actes de violence perpétrés au nom de la culture, de la coutume, de la religion, de la tradition ou du prétendu ‘honneur’ ». Des causes qui ne ciblent pas exclusivement des femmes, mais dont on peut penser qu’elles recouvrent nombre de maltraitances plutôt subies par la gent féminine.

Une proposition qui divise

Chez nos voisins français, alors que les marches de ce week-end pour dire « stop aux violences faites aux femmes » ont rassemblé quasi 50.000 personnes, le gouvernement évoque de futures discussions avec les médecins sur la levée du secret médical. Tant les professionnels de santé et que les associations d’aide aux victimes sont divisés sur cette proposition. Ses détracteurs objectent qu’elle risque tout bonnement de se retourner contre le but recherché, en ruinant la confiance des patientes…

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