UPDATE VIDEO Lettre ouverte au Gouvernement : "Il faut prendre des mesures extrêmes" (Dr Marc Wathelet)

Dans une nouvelle lettre ouverte à la Première Ministre et au gouvernement , Marc Wathelet, Docteur en science, spécialiste des coronavirus humains, demande à nouveau de prendre des mesures extrêmes. Selon lui, avec un temps de doublement de 3,3 jours, le virus aura contaminé 150.000 personnes d'ici 3 semaines si on ne fait rien aujourd'hui. UPDATE au 13/03 en fin d'article

Chère Madame la Première Ministre, chers membres du gouvernement,

Déjà le 5 mars le directeur de l’OMS vous enjoignait :

There are a good number of countries who have left the epidemics up to the ministry of health and the health emergency institutions. We’re saying that’s wrong. It needs whole government approach. That’s why my statement today was focused on advising all countries on Earth to trigger the whole government approach.

Cinq jours plus tard, vous avez beaucoup discuté, j’imagine, mais vous n’avez pris aucune des décisions qui s’imposent.

Le choix qui se présente est très simple. On peut prendre des mesures extrêmes maintenant, ou plus tard. 

Car on ne coupera pas aux mesures extrêmes avec un temps de doublement de 3,3 jours.

Si on les prend maintenant, tout les coûts, humains et économiques, seront bien moindres.

Ce temps de doublement a été contesté publiquement par le Professeur Gilbert, du Service d'Épidémiologie spatiale de l’ULB. Mais le Professeur Gilbert est un homme d’intégrité et je voudrais saluer le courage dont il a fait preuve, extraordinaire dans les circonstances actuelles, quand il m’écrit :

Mr Wathelet,
Je vous rejoins sur trois choses. Sur la nécessité de travailler de concert, sur le fait qu'un plateau de télévision n'est pas le meilleurs lieu pour débattre de questions scientifiques sensibles et sur le temps de doublement des cas. Il s'agissait d'une erreur d'interprétation de ma part, je le corrigerai publiquement si j'en ai l'occasion, et je vous présente mes excuses pour cette réaction erronée faite en public. 

Dans notre échange d’e-mails, je critiquais la pronostication d’un taux de mortalité en Belgique semblable à celui qui aurait été observé en Chine dans les provinces autres que celle d’Hubei, à savoir 0.7%, et qui correspondrait selon lui au taux de mortalité quand le système hospitalier n’est pas débordé. 

Ma critique est basée sur ce que les scientifiques appellent le case fatality ratio, CFR, qui est le meilleur indicateur au début d’une épidémie du taux de mortalité qu’on pourra calculer une fois que l’épidémie est finie. À ce stade de l’épidémie hors de la Chine, le CFR est de 37% en Italie, la Corée du Sud est à 24%, et l’Iran est à 9%, calculé comme CFR=death/(death+recovered).

Ces chiffres ne sont pas finaux et seulement des indicateurs. En particulier, je n’ai pas encore pu dénicher le profil démographique des décès et des guéris dans ces pays, et je ne peux qu’espérer que le bilan final ne sera pas aussi lourd. Le Professer Gilbert me reproche de ne pas considérer le cas de l’Allemagne où il y seulement 2 décès sur 1176 cas et de ne pas avoir d’explication pour les grandes différences entre pays dans ce qu’on appelle le crudefatality ratio, le nombre de décès sur le nombre total de personnes infectées.

L’explication est évidente, un virus en pandémie continue d’évoluer : il y a tout simplement plusieurs souches du SARS-CoV-2 qui circulent dans le monde aujourd’hui, et qui diffèrent en particulier dans leur virulence, causant des maladies distinctes, COVID-19A, COVID-19B, C, etc., et j’estime qu’il y a pour le moment 5-6 souches différentes qui circulent dans le monde.

Malheureusement pour la Belgique, les cas qui circulent chez nous viennent surtout de l’Italie, pas de l’Allemagne et c’est pourquoi le CFR de 37% en Italie est tellement inquiétant. Même si le chiffre final est réduit, il ne descendra probablement pas à 0.7%. 

Et c’est pourquoi la décision de ne pas mettre les personnes qui revenaient d’Italie en quarantaine était une erreur monumentale aux conséquences lourdes pour le pays, alors que ce CFR était déjà connu au moment de prendre cette décision.

Nous aurons un nombre de morts qui aurait pu être évité en Belgique, en conséquence de cette négligence criminelle de ne pas avoir le bon sens de suivre les mesures de santé publique les plus élémentaires qui s’imposaient à ce moment-là.

Avec un temps de doublement de 3,3 jours confirmé par le Professeur Gilbert, que vous disent les chiffres, qui n’ont aucun état d’âmes ni agenda ? Ils nous disent que chaque jour que nous perdons à tergiverser conduira à plus de cas, plus d’hospitalisations, plus de morts, et un plus grand coût économique

Pourquoi attendre ?

C’est difficile de comprendre comment c’est un choix d’ailleurs. Les gens semblent penser que le coût économique justifie d’attendre, alors que plus on attend, plus les coûts économiques seront grands.

Que gagnez vous à attendre ?

Si vous mettez la Belgique en hibernation pour trois semaines aujourd’hui, que va-t-il se passer ? Les personnes qui sont déjà infectées ne vont qu’infecter ceux qui vivent sous le même toit. Au lieu de multiplier le nombre de personnes infectées par 64 pendant ces 3 semaines, non seulement le nombre n’est multiplié, au plus, que par le nombre de personnes vivant sous le même toit, mais en plus nous saurons exactement où ils habitent tous, et il devient possible d’arrêter la propagation du virus !

Par contre si vous attendez encore trois semaines, vous aurez 239 x 64 = 15.296 cas, et non pas 9 semaines pour atteindre ce chiffre comme vos experts disaient ‼ Je prends le chiffre officiel annoncé pour la Belgique, mais je vous cite le Dr. Marc Van Ranst qui dans Het Laatste Nieuws d’aujourd’hui nous dit "Le nombre réel de patients atteints du coronavirus est probablement 10 fois plus élevé". Donc de l’ordre de 150.000 cas dans 3 semaines si on n’agit pas aujourd’hui.

Si l’exemple de la Corée du Sud et de l’Italie sont un guide, la situation sera déjà très difficile pour nos hôpitaux avec 15.000 cas, et nous ne saurons pas localiser la plupart de ces cas… Et c’est là que de mettre les mesures strictes en place ne sera plus nécessaire parce que les gens l’auront fait d’eux-mêmes, mais le système hospitalier aura été débordé et c’est un prix qu’il n’est pas nécessaire de payer.

Vos experts étaient tous trop optimistes. Moi aussi, j’ai été trop optimiste quand j’ai calculé que le système hospitalier aurait des problèmes à partir de 1% de personnes symptomatiques, alors que le chiffre du Dr. Philippe Devos montre qu’en pratique aussi bien l’Italie que la Corée du Sud ont déjà des soucis à partir de 0,062% de cas ! Une erreur d’un facteur 30 et c’est bien pour ça que je demandais au service SPF de faire le calcul, car ils disposent de chiffres auxquels je n’ai pas accès.

Que disent les chiffres ? Ils disent que tous les 3,3 jours que nous attendons, le nombre de cas est doublé, le nombre d’hospitalisation est doublé, le nombre de morts est doublé.

Que disent les chiffres ? Ils disent que si nous attendons une semaine, le nombre de cas est quadruplé, le nombre d’hospitalisation est quadruplé, le nombre de morts est quadruplé.

Que disent les chiffres ? Ils disent que si nous attendons deux semaines, le nombre de cas est multiplié par 16, le nombre d’hospitalisation est multiplié par 16, le nombre de morts est multiplié par 16.

Ik ben geen dramaqueen, je suis un scientifique pur et dur et je vous communique les chiffres clés nécessaires pour prendre les décisions qui s’imposent.

Est-ce que la vie humaine n’a plus de valeur pour nos dirigeants? 

Le Vice-Premier Ministre Koen Geens déclare au JT (13h) du 8 mars sur RTL-TVI, je cite : ‘1 à 2% de mortalité, ce n’est pas tellement énorme, je m’excuse, c’est comme avec une grippe, assez normal’. Une réponse pathétique pour la fausse comparaison avec la grippe, et surtout une réponse pathétique parce qu’elle trahit un manque de compassion pour et de solidarité avec la population sur le territoire belge.

C’est le genre de déconnection de la réalité, qui présuppose en plus que ni lui ni sa famille ne seront affectés, alors qu’il n’y a aucune garantie sans quarantaine.

Le gouvernement peut prendre la décision courageuse de rejoindre l’Italie et de mettre la Belgique entière en quarantaine en déclarant un état d’urgence nationale.Si vous ne le faite pas, ne comptez pas que ceux parmi vous qui survivront physiquement à cette pandémie, y survivront politiquement.

Il est manifeste que la plupart d’entre vous n’ont pas encore accepté émotionnellement la réalité de la situation de pandémie. Il faut sortir de l’état de déni et faire face à la réalité, sinon vous allez commettre la plus grande erreur de votre vie.

Vous ne comprenez toujours pas la progression exponentielle :  c’est quand-même hallucinant que personne dans le gouvernement ne semble capable de comprendre la vérité mathématique élémentaire que la meilleure manière d’aplatir la courbe est d’agir le plus tôt possible ! En effet, on ne pourra de toute façon pas éviter une quarantaine de 3-4 semaines pour le pays entier avec un temps de doublement de 3,3 jours. Ce temps de doublement sera à peine rallongé par les mesures proposées aujourd’hui.

Votre job est de sauver le pays et pour faire ça il ne faut pas paniquer le public, simplement l’informer qu’absolument tout, tout, tout, doit être fait pour combattre le virus. Et ça commence par un gouvernement qui envoie le message à la population que la situation est gravissime en implémentant toutes les mesures de santé publique et de quarantaine qui sont disponibles.

Votre job est de sauver le pays et pour faire ça il faut mettre le pays en hibernation, en quarantaine, maintenant,de la même manière qu’il faut parfois mettre un patient dans le coma pour le sauver !

L’union fait la force, Madame la Première Ministre et autres membres du gouvernement, tous ensemble ! Tous ensemble, nous pouvons vaincre le virus !

Je reste à votre disposition,

Commentaire ajouté le 13/03

Je vois avec un certain soulagement que notre gouvernement apprécie plus pleinement la nature du danger posé à nos concitoyens, notre système hospitalier, notre système social et notre économie par le nouveau coronavirus.  Ce jeudi 12 mars, notre gouvernement a décidé de prendre un ensemble de mesures de santé publique qui vont faire une vraie différence dans notre lutte contre ce virus.  Ces mesures ne vont pas aussi loin que celles décrétées par le gouvernement italien, et dans la logique où il faut contrer le virus le plus fort et le plus tôt possible, toute activité économique non essentielle devrait également être suspendue, dès maintenant, pour minimiser plus encore la propagation de ce coronavirus. Cette mesure doit être accompagné d’un soutien des secteurs économiques qui sont structurellement fragiles, alors qu’ils ferraient face à une interruption d’activité judicieusement imposée par l’état.

Lire aussi : Lettre ouverte à la Première Ministre " Il faut faire passer le pays en phase 3 sans plus attendre" (Dr Marc Wathelet)

  • Marc Wathelet est docteur en science.  Il a étudié la chimie à l’Université libre de Bruxelles et est titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire. Parti aux États-Unis durant 25 ans, il est passé par Harvard, l’Université de Cincinnati et dans un institut consacré à la recherche sur les maladies respiratoires à Albuquerque. Il a dirigé une équipe de chercheurs aux États-Unis sur différentes souches de coronavirus, en particulier le SRAS-CoV, qui a provoqué l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère en 2003-2004.

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Derniers commentaires

  • Jean-Pol STALON

    12 mars 2020

    oui bien de dire d'accord le 12 mars mais il y a plus d'une semaine qu'il en a parlé et on l'a regardé comme un illuminé!!!

  • Jean-Pol STALON

    12 mars 2020

    oui bien de dire d'accord le 12 mars mais il y a plus d'une semaine qu'il en a parlé et on l'a regardé comme un illuminé!!!

  • Yvette BOTSON

    12 mars 2020

    Tout à fait d’accord!