Implants mammaires : science et fiction ( RBSPS)

 Ce mercredi 16 octobre, le programme de la RTBF « Questions à la Une » portera sur les implants mammaires. La manière dont l’émission est annoncée, suggère toutefois que les responsables du programme ont opté pour un reportage sensationnel. Dans un communiqué la Royal Belgian Society for Plastic Surgery (RBSPS) fait le point.

Parce que beaucoup de fausses nouvelles concernent ce sujet, la RBSPS avait accepté d’être interviewée dans le cadre de ce reportage. En participant au programme, nous avons voulu contribuer à une information correcte et scientifiquement prouvée, dans l’intérêt des femmes qui portent un implant mammaire ou qui l’envisagent. 

La manière dont l’émission est annoncée, suggère toutefois que les responsables du programme, plutôt que de contribuer à un compte-rendu objectif et serein fondé sur des preuves scientifiques, ont opté pour un reportage sensationnel. Dans l’annonce préalable, les autorités et les associations professionnelles de chirurgiens plasticiens sont immédiatement soupçonnées d’avoir délibérément détourné les yeux et nié les risques. Rien n’est plus faux ! déclarent dans un communiqué les drs Jean Van Geertruyden, President RBSPS, Moustapha Hamdi, Past President RBSPS et Gaëtan Willemart, Past President RBSPS

  • Nos implants mammaires « seraient en fait de véritables bombes dans le corps des femmes ... Toutes les femmes porteuses d'implants mammaires seraient exposées à de graves dangers pour leur santé. Mais les autorités et les associations de chirurgie plastique refusent de reconnaitre l'existence d'une telle maladie. » [sic]. Une théorie soutient que la silicone serait un adjuvant - tel que l’aluminium mis en cause dans les vaccins- responsable d’un syndrome ASIA (1) (Autoimmune Syndrome Induced by Adjuvants), c’est- à-dire d’une stimulation du système immunitaire responsable de maux divers tels que fatigue, difficulté de concentration, troubles du sommeil, inflammation musculaire et articulaire, maladies auto-immunes, ... Des patientes porteuses d’implants en auraient fait la triste expérience et se seraient senties soulagées après leur retrait. Les implants responsables de maladies auto- immunes ? C’est déjà une longue histoire. Les premiers implants en silicone ont été placés en 1962. En 1992, par principe de précaution, la suspicion de ce lien de causalité a mené à l’interdiction de leur usage aux États-Unis puis en France avant que des études à large échelle ne démontrent le contraire (2). En 2001, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (ou Afssaps) puis en 2005, la food and drug Administration (FDA), sont rassurées et reviennent sur leur décision : les implants en silicone sont à nouveau autorisés. La communauté scientifique des chirurgiens plasticiens, dont la RBSPS, reste très attentive et prudente mais à ce jour, aucun lien évident n’a été clairement établi entre les implants et les symptômes rapportés. Rappelons d’ailleurs ici que les silicones sont largement utilisés dans d’autres dispositifs médicaux, des cosmétiques, des ustensiles alimentaires, des tétines de bébés, ... La théorie ASIA a été récemment totalement démontée(3)
  • « Le reportage aborde également une autre question : celle des implants mammaires " texturés " (les plus utilisés). Ils viennent d'être interdits aux États-Unis, en France et en Australie, car reconnus responsables du développement d'un type de cancer qui n'existe que chez les femmes porteuses d'implants. Pourtant, ces implants continuent d'être vendus en Belgique. » [sic]. Ce problème du rare lymphome anaplasique à grandes cellules associé à un implant mammaire (LAGC-AIM) est connu. Les plasticiens de la RBSPS ont déjà fait quatre communiqués de presse à ce sujet ces dernières années. Nous collaborons étroitement avec l’Agence fédérale des médicaments et produits de santé (AFMPS). Ce LAGC-AIM est principalement associé aux implants macrotexturés de la marque Allergan® mais son origine exacte n’est pas encore bien élucidée. La distribution de ces implants a été stoppée dans le monde entier, dont la Belgique. Seule la France a pris la solution radicale d’interdire tous les implants texturés. Si la Belgique, les États-Unis, l’Australie et le reste de monde continuent à proposer des implants texturés d’autres marques à leurs patientes, que ce soit pour certaines indications esthétiques ou des reconstructions après cancer du sein, c’est bien qu’ils offrent des avantages par rapport aux implants lisses. Par contre, le risque de LAGC-AIM est rare. Environ 600 cas rapportés dans le monde pour environ 20 millions d’implants posés. En Belgique, 12 cas sont à déplorer, toutes en rémission. C’est heureusement très peu par rapport aux 10.000 nouveaux cas de cancer du sein annuels en Belgique. Correctement diagnostiqué (gonflement soudain du sein, tuméfaction menant à une ponction- biopsie) et traité, le pronostic du LAGC-AIM reste excellent. Nos patientes sont bien entendu informées de ce risque comme nous l’impose la loi de 2013 (4) à laquelle la RBSPS a d’ailleurs contribué. Les patientes porteuses d’implants doivent se faire suivre annuellement par leur chirurgien ou le revoir plus tôt en cas de gonflement liquidien ou de tuméfaction anormale dans le sein. 
  • « ... le silicone des implants se répand dans le corps et provoque des dommages considérables à l'organisme ... » [sic]. Ne faisons pas ici d’amalgame et de généralisation. Certaines pratiques médicales dangereuses - notamment en Amérique Latine, Russie, Asie ou au Moyen-Orient - , ont vu injecter du silicone liquide dans le visage, les fesses ou les seins de patientes. Ce n’est évidemment pas un acte sûr et validé par la RBSPS mais certaines de ces patientes sont arrivées et ont été traitées chez nous. Par contre, les implants mammaires de dernière génération contiennent un silicone cohésif, lui-même isolé dans une enveloppe multicouche. Comme tout implant médical, la durée de vie d’une prothèse mammaire est limitée, de l’ordre moyen de 10-15 ans. Une fois celle-ci usée, elle doit bien entendu être remplacée dans un délai raisonnable avant que le silicone n’aille au-delà de la capsule périprothétique - sorte de cicatrice que le sein a formé autour de lui - et n’infiltre les tissus voisins. Mais de là à trouver des emboles de silicones dans d’autres organes ... 

La RBSPS déplore ce mode d’investigation à faire pâlir certains tabloïds britanniques, programmée « à charge », avec un « appel à témoins » dont le biais est évident. Une telle manière d’informer est indigne d’une chaine publique qui ne doit pas chercher à faire de l’audience à tout prix, au détriment de nos patientes. On attend plutôt une mise au point qui clarifie une polémique plutôt que de l’entretenir. Après une telle émission, le syndrome ASIA, s’il devait exister, sera renforcé par l’effet nocebo. 

  • 1 Shoenfeld Y., Agmon-Levin N. “ASIA” – Autoimmune/inflammatory syndrome induced by adjuvants. Journal of Autoimmunity. 2011; 36(1), 4–8.

    2 Janowsky EC, Kupper LL, Hulka BS. Meta-analyses of the relation between silicone breast implants and the risk of connective-tissue diseases. N Engl J Med. 2000; 342(11),781-90.

    3 Ameratunga R., Langguth D., Hawkes D. Perspective: Scientific and ethical concerns pertaining to animal models of autoimmune/autoinflammatory syndrome induced by adjuvants (ASIA). Autoimmunity Reviews. 2018 ; 17 (5), 435-439. 

    4 23 MAI 2013. - Loi réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique [et réglementant la publicité et l'information relative à ces actes]

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