Dépistage, prescription, vaccination, prise en charge autonome : le ministre de la Santé pousse pour une réforme rapide des rôles professionnels, visant à déléguer davantage d’actes médicaux aux pharmaciens, kinésithérapeutes et infirmiers. Un document préparatoire que Medi-Sphère a pu consulter révèle l’ampleur des ambitions. Il doit être examiné ce mercredi 8 mai au Conseil supérieur.
Par un courrier daté du 6 janvier 2025, Frank Vandenbroucke a officiellement saisi le Conseil supérieur de la Santé afin qu’il se prononce sur trois axes majeurs de réforme des soins de première ligne : l’accès direct à la kinésithérapie, l’élargissement des interventions autorisées aux pharmaciens, et la prescription par les infirmiers. Objectif : établir une base d’avis scientifiques permettant de légiférer dès la prochaine législature. La réunion plénière du 8 mai est censée aboutir à une première consolidation.
Medi-Sphère a pu consulter le document préparatoire. Il confirme l’ampleur des glissements envisagés, déjà partiellement en cours sur le terrain, et les tensions qu’ils suscitent chez de nombreux médecins.
Pharmaciens : la prévention et le dépistage étendus à la carte
Le document préparatoire envisage, à la demande des pharmaciens, une série d’actes de détection précoce ou de prévention primaire à généraliser dans les officines, au-delà de ceux déjà pratiqués dans certains projets pilotes. Parmi les exemples explicitement cités :
- la spirométrie dans des circonstances normales ;
- le dépistage lors d’une suspicion de cancer de la peau ;
- le repérage des risques de suicide, à l’aide d’un entretien structuré précédé d’une courte formation en ligne ;
- l’utilisation de scores validés comme FINDRISC (diabète) ou PHQ2 (dépression) ;
- la mesure de paramètres cliniques : tension artérielle, BMI, glycémie capillaire, cholestérol, lipides, saturation ;
- des tests rapides (POCT) pour des infections comme la grippe, le VRS, le streptocoque ou les infections urinaires récidivantes non compliquées ;
- la détermination POCT de la CRP comme "marqueur" d'infection, pour la délivrance d'antibiotiques et/ou pour réduire l'utilisation d'antibiotiques (AMR)
Le document propose que ces actes puissent être encadrés dans la législation LEPSS (à modifier) en reconnaissant formellement au pharmacien la capacité de « détecter des maladies et des anomalies ». Il mentionne également la possibilité de recourir à des PROMs (Patient-Reported Outcomes Measures), comme le test ACT pour l’asthme, afin d’évaluer l’évolution de certaines pathologies chroniques.
Au niveau hospitalier , il est prévu que "le médecin pose le diagnostic, le pharmacien hospitalier prend l'initiative du schéma thérapeutique et de la rédaction des prescriptions pour des patients spécifiques et des situations spécifiques préalablement déterminées et définies par le médecin et le pharmacien."
Cette volonté d’étendre les actes cliniques réalisés en officine n’est pas nouvelle : nous l’avions déjà analysée dans un précédent article, à la lumière d’une note du Conseil des pharmaciens qui avait vivement alarmé le GBO quant au rôle résiduel laissé au généraliste.
Kinésithérapeutes : vers un accès direct légal
L’accès direct aux kinésithérapeutes, déjà largement pratiqué de manière informelle, pourrait être légalisé. Le texte préparatoire évoque une révision de l’article 43 de la loi sur les professions de santé, afin de rendre cet accès conforme à la pratique.
Une liste indicative de pathologies fonctionnelles dites « simples à modérées » est annexée au projet : douleurs musculo-squelettiques, troubles neurologiques légers, plaintes cardio-respiratoires, accompagnement post-chirurgical... Le kinésithérapeute serait autorisé à débuter un traitement sans prescription, à condition de réorienter vers un médecin en cas de signaux d’alarme.
Le texte insiste sur le respect du libre choix du patient et sur la possibilité pour le kiné de refuser un traitement direct. Il reste que l’absence de consultation médicale préalable soulève la question d’une fragmentation du parcours de soins.
Infirmiers : une prescription encadrée mais élargie
Depuis la loi du 18 mai 2024, les infirmiers responsables de soins généraux (IRSG) peuvent se voir reconnaître certaines compétences de prescription. Le document préparatoire précise les balises : seuls certains produits seraient concernés (pansements, dispositifs médicaux, vaccins), dans des situations cliniques bien délimitées.
L’exercice de cette compétence supposerait une expérience clinique suffisante, une collaboration explicite avec le médecin prescripteur initial, et une formation certifiée en pharmacologie et en sémiologie.
L’avis attendu du Conseil supérieur devra distinguer les actes pouvant être initiés par l’infirmier, ceux qu’il peut poursuivre, et ceux qu’il pourrait adapter selon un protocole.
Une réforme en profondeur, sans vision clinique partagée ?
Ces trois volets participent d’un même mouvement de différenciation des tâches : redistribuer certains actes médicaux à d’autres professionnels de santé pour, selon les termes du ministre, « rendre les soins plus accessibles et plus efficients ».
Mais sur le terrain, de nombreuses voix s’élèvent contre une réforme qui, si elle améliore l’accès ponctuel, affaiblit la cohérence clinique et la coordination autour du patient.
Lire aussi: Une note du Conseil des pharmaciens menace le rôle du généraliste, alarme le GBO
Derniers commentaires
Igne PARMENTIER
29 avril 2025Il est évident que le lobby pharmaceutique est puissant !!!!
Une enquête devrait être menée pour éclairer sur les influences et intérêts divers.
Eliane LAMBERT
29 avril 2025On nous déresponsabilise de plus en plus. Nous médecins ne pourrons plus soigner notre patient que nous connaissons bien (sa famille son boulot ses intérêts..) Il sera pris en charge par le pharmacien qui lui donnera les médicaments qui lui rapportent le plus... Le boutiquier va prendre le relais... Pauvre médecine, pauvres patients... Que vont' ils devenir ? Qu'allons.. nous devenir ??
Jean-Louis MARY
29 avril 2025Que restera-t-il à la médecine générale dans quatre ans ?
Une médecine où on ne pense plus , on agit selon des schémas dont se chargent les pharmaciens,assistants de pratique et auxiliaires de soins
Je plains les patients et exhorte les étudiants à faire la pharmacie plutôt que la médecine , de la sorte ils examineront les patients , vaccineront, prescriront , délivreront les traitements, feront de la prévention et empêcheront les suicides , tout cela après des études moins longues et plus rentables
Alain RENARD
28 avril 2025D'autant que les pharmacies appartiennent de plus en plus à des groupes "politisés" ... la boucle est bouclée
Gyrd SILLIS
28 avril 2025Les pharmaciens devraient également être autorisés à remplir les documents du SPF, de l'AVIQ, de l'APA , etc......
Pas certain qu'ils soient preneur.
Gyrd SILLIS
28 avril 2025Supprimons les études de médecine.......
Alexandre Sarafidis
28 avril 2025Pour faire économie :
1/ si le pharmacien a fait préalablement la médecine alors d’accord pour qu il puissent faire ces prescriptions.
2/ le médecin devrait pouvoir deliver des médicaments aussi et cela éviterait la consultation payée cher chez le pharmacien .
Chaque spécialiste devrait pouvoir vendre les méditée sa spécialité pour éviter le déplace du patient et faire aussi des économie .
Pour les généralistes devraient aussi proposer une liste de médicaments qu il auraient chez eux et dépanner le patient
Les médecins ont eu un beau cours de pharmacologie.
Faudrait demander au minimum au pharmacien des virus de sémiologie et tous les cours de spécialité pour lesquelles il pourrait prescrire et en outre un stage dans les hôpitaux ou chez un généraliste de 3 ans …