Patrik Roelandt, figure de proue du monde médical, assassiné par un patient

Patrik RoelandtLe généraliste Patrik Roelandt (64 ans) a été poignardé mardi après-midi à Ingelmunster par un patient complètement à bout. Le Dr Roelandt a œuvré pendant de longues années au développement d’une structure solide pour les cercles de médecine générale. Il siégeait également au Conseil National de l’Ordre des Médecins et présidait la plateforme des généralistes de Flandre-Occidentale.

 

Que Patrik Roelandt ait perdu la vie à cause d’un patient agressif est d’une ironie d’autant plus tragique qu’il s’est longtemps battu pour améliorer la sécurité du corps médical. «Je croisais Patrik pour ainsi dire chaque semaine au Conseil Provincial de Flandre-Occidentale et je suis son remplaçant au Conseil National. Je le connais depuis plusieurs dizaines d’années», témoigne son confrère Chris Clepkens. «Il a fait ses débuts à l’union médicale de Roulers, une association qui regroupait initialement des médecins de famille et des spécialistes avant qu’une section généraliste ne s’en détache. Il a également fondé un cercle de médecine générale à Izegem. C’est ainsi que s’est progressivement développée l’Uhak, l’union des cercles de médecine générale, dont il a longtemps assuré la présidence. Il a aussi continué à s’occuper de la problématique des cercles au sein de Domus Medica.»

Une activité juridique

La principale réalisation de Patrik Roelandt fut incontestablement la reconnaissance légale du fonctionnement des cercles – un objectif pour lequel il s’est battu aux côtés de Chris Clepkens, Ralph Pacqueu et Dirk Scheveneels. Généraliste à Izegem, il était également impliqué dans la plateforme des généralistes de Flandre-Occidentale. Ces dernières années, il était par ailleurs extrêmement actif au sein de l’Ordre; sans être juriste, il possédait notamment une excellente connaissance des matières juridiques.

Ce dramatique incident pourrait-il stimuler les efforts en faveur de la sécurité des médecins? «En définitive, on est toujours seul face à ce genre de situation», observe Chris Clepkens avec réalisme. «J’ai moi-même un jour été menacé par un individu armé d’un fusil de chasse. Il faut avoir la chance de son côté et garder son sang-froid, ce qui est évidemment plus facile à dire qu’à faire – et dans le cas présent, je ne pense pas que cela aurait changé grand-chose. Cela dit, la région où l’incident s’est produit est relativement sûre, ce n’est pas comme si c’était une grande ville.» Les faits se sont en effet déroulés dans la commune d’Ingelmunster, à l’occasion d’une visite à domicile. Les voisins se sont même étonnés que la voiture du médecin reste si longtemps garée devant la maison, mais c’est finalement son épouse qui a commencé à s’inquiéter et qui a appelé la police. Lorsque les forces de l’ordre sont arrivées sur les lieux, il était malheureusement trop tard. Le Dr Roelandt aurait été poignardé dans le dos à l’aide d’un couteau. Le coupable a déjà été appréhendé.

Bouton d’alarme

Lorsque nous l’avons contacté, Dirk Scheveneels (VAS) n’avait pas encore appris la triste nouvelle. Il est évidemment sous le choc. «Je me souviens encore que nous avons consacré plusieurs symposiums à la sécurité des généralistes. Dans notre cercle, à Wilrijk, nous avions un bouton d’alarme sur notre gsm. Pourquoi les agents de police se déplacent-ils toujours à deux? Parce que c’est plus sûr, non? Patrik était le principal successeur de Leo Adam, il s’est investi avec passion dans le fonctionnement des cercles. Ce n’était pas du tout un syndicaliste dur, plutôt un diplomate. Il s’est toujours efforcé de maintenir l’Uhak à l’écart des tensions syndicales. C’était un généraliste investi à 300% dans son métier. Nous nous entendions bien, nous sommes encore allés manger ensemble à Gand il n’y a pas si longtemps.»

Marc Moens (ABSyM) confirme le formidable engagement de Patrik Roelandt. «Nous étions dans la même année à l’université. (silence) Nous avions prévu une réunion dans une dizaine de jours, 35 ans après notre diplôme.»

«Nous avons encore planché ensemble sur le problème de la sécurité. Si on pourrait l’améliorer? La question refait évidemment toujours surface après un incident comme celui-ci. Je me souviens d’un autre cas, un médecin victime d’un car-jacking à Anvers, il y a cinq ans environ. Il a passé plusieurs heures menotté dans sa propre voiture, mais l’histoire s’est heureusement bien terminée. Il faudrait un système d’alarme national. Un bouton d’alarme comme à Wilrijk est une possibilité, mais je ne crois pas que cela aurait servi à grand-chose dans ce cas précis.»

Plus tard dans la journée, l’Absym constate avec consternation dans un communiqué officiel que la médecine générale est un métier dangereux. «Des mesures importantes ont déjà été prises à l’échelon national pour mieux protéger les médecins de famille pendant les gardes, au travers notamment de la création de postes disposant d’un chauffeur. Les incidents se produisent toutefois majoritairement pendant les heures normales de consultation ou de visite et sont souvent le fait de la propre patientèle du médecin. Plusieurs initiatives prises à l’échelon local pour lutter contre les agressions ont malheureusement périclité faute d’un soutien permanent de la part des autorités fédérales au niveau du ministère de l’Intérieur (police), mais aussi des pouvoirs communautaires (Bien-Être, Santé Publique et Famille). Les technologies modernes devraient pourtant permettre la création d’une application ‘bouton-panique’ pour les travailleurs de la santé. Comme par le passé, l’Absym veut apporter son entière collaboration à la création d’un tel système d’alarme généralisé.»

Le généraliste Reinier Hueting (Cartel/asgb) est lui-même en visite chez un patient lorsque nous le contactons. «C’est épouvantable. Je me souviens de Patrik Roelandt comme d’un homme strict qui respectait consciencieusement les règles. C’est vraiment un incident dramatique, mais je pense qu’il ne faut pas non plus nourrir la réaction de panique. Je ne suis pas partisan des boutons d’alarme. Nous travaillons principalement en confiance avec des patients que nous connaissons, et si nous ne nous sentons pas trop à l’aise pendant la garde, il y a aujourd’hui les postes avec chauffeur. Un bouton-panique représente un investissement conséquent, car il faut évidemment prévoir toute une série de services connexes. Et franchement, je ne me vois pas me rendre chez un patient à risque le doigt sur le bouton ou sur mon gsm avec l’application en standby.»

Steven Haesaert (porte-parole du SVH) se souvient de Patrik Roelandt comme «d’un grand monsieur, à qui la médecine générale tenait vraiment à cœur».

La rédaction tient à exprimer ses plus sincères condoléances à la famille.

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