« 102 heures sans sortir de l’hôpital » : le témoignage d’un réserviste étudiant en médecine (R.Florquin)

Rémi Florquin, est  étudiant en médecine en master 2 à l’ULB. Intéressé par la médecine de guerre et de catastrophe, il est rentré comme officier de réserve à la composante médicale il y a 2 ans. “Surtout pour pouvoir être utile en temps de crise, et cette pandémie me l’a permis.” Témoignage d’un réserviste étudiant en médecine et fier d’aider la nation.

Avec la crise sanitaire actuelle, le personnel soignant déjà décimé par le COVID et l’absentéisme se retrouve à gérer une deuxième vague encore plus lourde en termes de nombre d’hospitalisations. C’est dans ce contexte que la Défense vient à nouveau en aide à la nation, en mettant à disposition du personnel paramédical aux maisons de repos, ou en prenant en charge quasi tous les brulés de Belgique à l’hôpital militaire comme pour la première vague.  Ou en en mettant à disposition du personnel pour des missions de brancardage ou de logistique dans des hôpitaux, mais aussi en créant des unités COVID entières dans des hôpitaux civils, d’abord au CHBA de Seraing (province de Liège) puis à l’hôpital Vésale de Charleroi,et récemment à Saint Michel à Etterbeek.

J’étais plongé dans mes révisions dans mon kot à Bruxelles le vendredi 6 novembre au soir, quand mon responsable d’unité m’appelle en me demandant si j’étais disponible pour aller aider dans l’unité militaire COVID en province de Liège, logé et nourri à l’hôpital. C’était un appel que j’ai reçu avec plaisir beaucoup d’excitation : depuis des semaines, je me demandais quand et si j’aurais pu être utile dans cette deuxième vague.

Me voilà donc au centre hospitalier du bois de l’abbaye (CHBA) à Seraing à côté de Liège dans l’unité COVID de la Défense. Je suis entouré de mes camarades de l’active et de réserve, médecins, infirmiers et ambulanciers, et de collègues infirmiers civils qui aident à gérer l’unité et à faire la liaison avec l’hôpital.

L’incroyable capacité des militaires à s’adapter à un métier qui est aux antipodes du leur est le premier fait qui m’a frappé. 

La plupart des ambulanciers dans l’unité de Seraing sont des paracommandos, formés et entraînés à gérer des blessures de guerre, isolés et avec des patients en bonne santé. Et ils se retrouvent dans une unité COVID, qui fait autant de gériatrie, de diabétologie, de social que du COVID alors que la plupart n’ont jamais travaillé dans un hôpital. Et cerise sur le gâteau, la grande majorité était Néerlandophone avec des patients Francophones.  Malgré tout cela, ils ont fait un travail remarquable pour s'occuper des patients et à apprendre énormément en très peu de temps, comme on dit « s’adapter ou crever ».  

Le service a été ouvert le lundi 2 novembre, et a accueilli ses premiers patients le lendemain. Avec un bureau médical improvisé dans un ancien local kiné, avec des médecins prévenus 24h avant l’ouverture. Et ça a roulé, il y a eu quelques « petit soucis de jeunesse », mais je doute qu’aucune autre structure que la Défense aurait pu être opérationnelle en si peu de temps.

Vivre presque comme le patient et avec le patient 

Mon travail dans l’unité était globalement la même que lors de mes stages académiques. Je m’occupais d’accueillir les transferts, de faire le suivi journalier (anamnèses et examens cliniques) des patients. Le but étant de faire gagner du temps aux médecins du service. 

Cette expérience a été très forte pour moi, car habitant très loin de Liège je logeais sur place pour avoir le temps d’étudier. Et donc je dormais dans le même lit d’hôpital, je mangeais les mêmes repas, je vivais dans le même bâtiment que les patients.  Et cela change la vision que l’on a d’une hospitalisation. Quand le patient avait mal dormi à cause de bruits dans les couloirs ou simplement avait le cafard car il avait envie d’être à sa maison avec ses proches, je le comprenais très sincèrement, car c’était la même chose pour moi.

Mais une autre chose m’a encore plus marqué, après avoir soupé et assez étudié pour la journée, c’est d’avoir pris plaisir à redescendre dans le service, à ré-enfiler tout le barda de protection et de refaire le tour des patients dont je m’étais occupé. Pour voir s’ils allaient bien d’un point de vue médical d’une part mais surtout parce que je voulais simplement parler avec eux. Cela peut paraître niais mais j’ai trouvé ces moments d’échanges d’une richesse incroyable, et je pense que cela a rendu la relation soignant soigné que j’avais avec ces patients plus humaine et forte. 

Cette période fut très fatigante et assez contraignante mais surtout elle fut riche humainement et avec j’ai le sentiment d’avoir été utile à mon modeste niveau. J’admire et j'ai un un profond respect pour le personnel soignant, qu’il soit civil ou militaire qui a fait son travail avec conviction, professionnalisme et humanité.

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Derniers commentaires

  • Francis COLLA

    26 novembre 2020

    Bravo gars !
    tu es arrivé à me mettre les larmes aux yeux alors que je suis ancien médecin militaire (pensionné) !
    avec des personnes comme toi, cette trempe, cet idéal, ce "plaisir à redescendre dans le service, à ré-enfiler tout le barda de protection et de refaire le tour des patients", nous pouvons encore espérer de l'avenir de l'être humain.
    Continue, continue. Mais prend soin de toi aussi ! Tu ne pourras aider les autres que si toi tu es en forme !
    Docteur Francis Colla

  • Christine SKIVEE

    19 novembre 2020

    Simple, vrai , médical et tellement proche de stages hospitaliers intra-muros vécus il y a plus de quarante ans .
    Félicitations Rémi . Avec l’ espoir -qui sait - de croiser un jour le confrère Florquin, peut être même en tant que modeste patient ????
    Dr Ph. Ledoux
    5000 Namur

  • Marie-Claude JACOBS

    19 novembre 2020

    Chapeau!
    Quel bonheur de lire un message pareil .
    Gardez votre courage, votre émerveillement et votre humanité. Protégez-vous aussi, et pas seulement du Covid.
    Marie-Claude Jacobs