« Pour réformer, il faut de la confiance et la confiance se bâtit sur l’absence d’économies » (Dr Bejjani)

Après la polémique récente dans la presse, entre certains partis et/ou mutuelles autour des programmes de ces partis portant notamment sur les matières de la santé, il me semble nécessaire de réagir, comme observateur et médecin engagé dans la défense de la profession. Et je m’exprime en mon nom propre.

Je ne suggère nul choix de vote, mais je pense qu’il est normal de compléter le débat avec quelques informations et comme le dit le président de l’ABSyM, il est « important que les électeurs se rendent aux urnes bien informés ». Je trouve aussi nécessaire de réagir notamment à l’interview du Pr Englert, ex-recteur, ex-doyen de la faculté de médecine de l'ULB et médecin, publiée ce 27 mai dans Le Spécialiste.

Comme le Pr Englert, je pense que la prochaine législature sera cruciale en matière de santé et qu’un des enjeux sera budgétaire, à l’heure où les finances publiques sont dans une situation critique. Dans ce contexte, la réduction, de quelque manière que ce soit, du budget de la santé serait préjudiciable à l’ensemble du secteur et, par conséquent, pour beaucoup de confrères. Même si je défends la responsabilisation et l’efficience dans l’usage de ce budget, il me paraît clair que pour réussir une réforme, pour autant qu’elle arrive, il faut à un certain moment réinvestir massivement.

En effet, toute réforme, renforçant dans un modèle value-based, la subsidiarité, la première ligne, l’intégration des soins et la prévention, voire une redistribution de la mission des hôpitaux et des centres de soins, ne peut se faire sans investissement pour maintenir la confiance des acteurs qui verront leur mode de fonctionnement drastiquement modifié. Pour le dire autrement, pour réformer, il faut de la confiance et la confiance se bâtit sur l’absence d’économies pour qu’il n’y ait pas de perdants, mais un win-win à toutes les étapes.

Le Pr Englert parle d’une « paix des braves » autour des suppléments, et je le crois sincère. Dans les négociations pour un standstill sur les prélèvements sur les honoraires et les suppléments, plusieurs partis et/ou représentants des médecins ont agité la menace de la réduction linéaire de ces suppléments à 200 %, voire moins, et cela ne s’est pas fait grâce à notre intervention syndicale mais aussi avec le soutien de certains partenaires dont Solidaris.

Les suppléments restent et resteront donc un financement complémentaire pour les soins de santé, un mécanisme de participation des « plus riches » dans un système de santé qui nécessitera certainement encore plus d’investissements face à la diminution des ressources, au boom des pathologies chroniques et au vieillissement annoncé de la population, en l’absence d’une prise en charge intégrale de ces évolutions par l’assurance obligatoire.

Le modèle de santé devra aussi évoluer, intégrant certainement plus de forfaits à une médecine à l’acte, fondamentale aussi pour préserver l’esprit entrepreneurial, le travail, et le dépassement de soi. Dans cette évolution, l’expertise est essentielle, et dans ce domaine, certains partis ont fait preuve de plus d’engagement dans le monde de la santé que d’autres.

Et pour citer le président de l’ABSyM, « lorsque vous accomplirez votre devoir électoral dimanche, laissez-vous guider par vos intérêts en tant que médecin et par ceux de vos patients… Il ne m'appartient pas de donner des conseils de vote, mais lorsque vous serez dans l’isoloir, faites un choix judicieux et réfléchi ! », mais n’oubliez pas qu’il est nécessaire que le budget de la santé soit soutenu par des responsables politiques sérieux qui connaissent les enjeux du secteur et sont prêts à y investir, et que la concertation, base de notre système de santé, ainsi que la solidarité, base de notre sécurité sociale, soient préservées.

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