#Médecinbashing : trop is te veel (Dr C.Depuydt)

Les médecins sont-ils de petits êtres trop sensibles et susceptibles  ou est-on véritablement en train d’assister à un médecin bashing en bonne et due forme de la part des politiques  et des mutuelles ? Mon avis est clair sur la question : il semble en effet, que depuis quelques temps, les critiques souvent illégitimes pleuvent sur la tête de médecins. 

On leur reproche pêle-mêle, leur manque de disponibilité et d’empathie, leur paternalisme empreint parfois de mauvais traitements (cfr la Une du Vif l’express du 01 juin 2018 « docteur, les femmes c’est pas du bétail »), les suppléments  d’honoraires dont on sous-entend qu’ils vont directement dans leurs poches pour agrémenter encore un peu plus leur déjà confortable  matelas financier (cfr les mutualités chrétiennes qui en font un argument majeur dans leur mémorandum en vue des élections de mai 2019, cfr également le rapport de Solidaris sur les suppléments d’honoraires en ambulatoire sorti ce 29 mars 2019). 

Le dénigrement des médecins par les autorités de tutelle leur fait porter la responsabilité du risque de développement d’une médecine à deux vitesses entre les patients nantis et ceux qui ne le sont pas. Les mêmes autorités remettent en doute la représentativité des syndicats médicaux pour affaiblir le contre-pouvoir qu’ils représentent (cfr la sortie de Maggie Deblock dans le Tijd du 26/01/19). 

Dans le même temps, les médecins sont inondés de paperasseries et obligations administratives, auxquelles vient de se rajouter, fort opportunément, la tenue à jour d’un portfolio dès 2021 (cfr les précisions du Cabinet de Maggie De Block dans le Specialiste ce 12/04/19). En parallèle, ils doivent aussi s’informatiser pour la pratique d’une e-santé qui les soumet à toujours plus  d’obligations (prescriptions électroniques par exemple) alors même que le système reste fort instable et se plante régulièrement pendant plusieurs heures laissant médecins et patients sur le carreau. D’aucuns pourraient soupçonner que ce qui est présenté comme le « futur » a aussi comme conséquence indirecte (mais voulue) de tellement surcharger le médecin qu’il est dorénavant indisponible pour réfléchir, s’engager dans des réformes, voire même se révolter. 

Je pourrais encore parler des lourdes économies faites ces dernières années sur les honoraires médicaux via une révision de la  nomenclature et un gel de l’index entre autres. Économies de plusieurs centaines de millions d’euros et dont on parle bizarrement moins dans les journaux. 

Ou encore citer le chantage malsain auquel s’est livrée Maggie De block il y a peu concernant le sensible dossier du Numerus Clausus: elle menaçait  de ne pas signer l’Arrêté Royal qui permet aux étudiants francophones terminant leurs études de médecine en juin 2019 d’avoir un numéro d’Inami; sous prétexte que le filtre instauré par Jean-Claude Marcourt ne serait pas efficace (alors que l’efficacité dudit filtre ne pourra être réellement évalué qu’en 2024). 

Comment faut-il comprendre cette campagne de dénigrement, sans verser dans le complotisme? Je soupçonne que tout cela n’est pas gratuit.

Installer un climat de méfiance  vis-à-vis du médecin afin de l’atteindre dans sa respectabilité et diminuer son crédit, qu’il soit moins écouté, moins légitime. Cela permettrait de l’isoler, et à terme de l’atteindre dans son indépendance d’esprit et de travail, pour en définitive, le soumettre à la loi du plus fort : celle des politiques de Santé Publique où il n’aurait plus grand chose à dire et où, en brave fonctionnaire de l’état, plus rien ne lui appartiendra, ni son cerveau, ni son temps, ni ses finances, ni son matériel. 

Qui a à y gagner? Certainement pas les médecins et encore moins leurs patients à mon avis. Que du contraire, ce seraient plutôt des campagnes de sensibilisation au respect mutuel qu’implique la relation thérapeutique qu’il faudrait lancer et soutenir dans cette optique. Je souhaite, n’en déplaise à tous ceux qui organisent ce médecin bashing, garder ma liberté de travail et mon autonomie de décision, non seulement pour moi, mais aussi pour la qualité de soins donnée à mes patients. Merci à tous ceux qui œuvrent en ce sens, aux autres, je dis, « nous ne sommes pas dupes ». 

Lire aussi : Pourquoi je ne veux plus être médecin (S.Proesmans)

Le débat se poursuit sur @MediSphereHebdo et @LeSpecialiste

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Derniers commentaires

  • André WATHOUR

    25 avril 2019

    50

  • François LIZIN

    19 avril 2019

    pourquoi n avons nous plus de réaction s ou de syndicats pour accepter comme des moutons les réformes qui on pour but une médecine étatisée Nous ne sommes pas des aiguilleurs du ciel mais le refus et la grève ont déjà été possible il y a quelques années. DOC réveille toi

  • Freddy GORET

    19 avril 2019

    En fait la sécurité sociale belge était très généreuse y compris pour tous ceux qui n ont jamais cotisé . Prix très raisonnable ( voir les tarifs dans les autres pays ...) disponibilité des médecins et accès aux soins hyper facile etc
    Mais la sécurité sociale Belge actuelle n est plus payable à son juste prix
    Le dire tout haut n est pas politiquement correct pour nos politiciens ( risque de perdre ses électeurs...) .
    En effet on touche aux droits acquis et à la gratuité totale promise par nos très chers politiciens (salaires plantureux , pensions très confortables , jetons de présence dans une multitude d intercommunales , nombreux mandats ... voir CUMULEO. Plus de 50 mandats chez un certain ancien ministre )
    Alors le médecin devient le bouc émissaire il doit travailler pour rien car il est riche avec tous les suppléments qu’il demande... il a un niveau de vie trop top. Vacances Voiture de sport Villa de grand luxe selon les mutuelles
    mais en fait il travaille 70 à 80 heures par semaine , fait des gardes d une semaine non stop 24 heures sur 24 ,suit des formations payées par lui pour confirmer sa haute qualification , s informatise a ses frais pour la prescription électronique et ses dossiers , doit payer pour son cabinet sa voiture ses instruments etc tout ça sous le contrôle tatillon du fisc ,vit dans une petite maison de cadre moyen avec une voiture ordinaire ... ,passe ses soirées à rédiger des papiers et certificats pour l INAMI ,les mutuelles ,les patients et tout cela gratis pro deo....











  • Jean-Luc JORION

    19 avril 2019

    100% d'accord
    ce message doit être envoyé à tous les médecins qui doivent TOUS réagir
    on n'a jamais eu une aussi mauvaise ministre de la santé!
    un délire et un diktat administratif

  • Jean-Charles DEBUCQUOIS

    19 avril 2019

    bravo Madame! et que penser du projet de désignation d'une "personne de confiance " entre le médecin et son patient...déontologiquement ahurissant, tout simplement à mon sens. Que fait l'Ordre??

  • Bruno LULLING

    19 avril 2019

    Vous écrivez tout haut ce que je crie tout bas, Madame Depuydt. MERCI
    Dr B. Lulling

  • Marc TOMAS

    19 avril 2019

    On ne peut qu'être d'accord avec elle. Mais cela va plus loin que les médecins: avant il y a eu les enseignants et les prêtres, bref tout ce qui représente une certaine autorité morale et l'éducation en général auprès de la population. Voire aussi l'évolution des programmes télévisés. Bref, tout ce qui n'est pas marchant est dénigré et abaissé. C'est aussi une façon de faire reprendre certains rôles par des soignants moins diplômés, donc moins chers. Voire les récentes mesures au niveau infirmier. Ce flaire le gros complot mais je suis convaincu que c'est la vérité. La revalorisation de la médecine générale, elle est où ? Et c'est un spécialiste qui vous parle ! L'éducation à la santé dans l'enseignement, première mesure préventive, où est le budget ? Allez, c'est le temps des "sthétos jaunes" !!

  • Jacques DE TOEUF

    14 avril 2019

    Réflexions venant à point pour contrebalancer les stigmatisations dont le médecin est la cible. Puissent les collègues rejoindre l'ABSyM de façon visible dans son travail constant de soutien à l'autonomie professionnelle, au-delà des clivages entre groupes médicaux sur lesquels surfent nos adversaires.