Regarde-t-on plus loin que le bout de son nez dans ce pays ? (Dr C.Depuydt)

J’ai le sentiment, depuis début janvier 2020 et l’annonce de cette épidémie de coronavirus qui menaçait à l’époque de nous tomber dessus, que nous sommes coincés dans une dimension spatio-temporelle très réduite, celle de la répétition infinie d’un moment présent. Mais peut-on aussi envisager les semaines qui viennent ? On pourrait s’assurer de posséder une quantité suffisante de matériel de protection, de garantir une prise en charge médicale des patients non covid, de donner une clarification sur le type de tests de dépistage et leur disponibilité, pour commencer.

Aujourd’hui, nous avons X nombres de cas, nous décidons d’un confinement pour 15 jours et nous commandons quelques masques à la Chine. Ce qui se passe aujourd’hui, il y a un semblant de maîtrise…
Beaucoup se sont déjà penchés sur l’absence frappante d’anticipation, je ne vais pas revenir sur cette étape visiblement complètement ratée.

Ce que je voudrais savoir, c’est si quelqu’un dans l’équipage pense déjà à demain ? 

Combien de temps va durer le confinement, personne ne peut répondre à cette question, je le sais bien mais, s’il dure , peut-on l’anticiper et y penser un peu ?

J’entends par là, organiser un flux suffisant de matériel de protection. Vu la situation préoccupante des États-Unis, ils vont bientôt rafler tout ce qui reste sur le marché et pas sûr que la Chine ne garde pas une partie de la production pour eux vu la renaissance des cas « importés ». Et puis, veut-on vraiment autant compter sur la Chine qu’auparavant ?

Peut-on réquisitionner des industries belges, mises en chômage technique pour cause de crise covid, pour fabriquer nous-mêmes masques, gants, gels, etc ?

Autre point qui me semble urgent de préciser et qui semble totalement oublié. Peut-on réfléchir à la façon dont on va organiser les soins médicaux dits non-urgents ? Reporter des soins du 15 mars au 15 avril c’est une chose, les déplacer au 01 juillet, c’en est une autre. Or c’est une possibilité qu’il faut sérieusement envisager. Dans ces délais, des soins qui ne l’étaient peut-être pas à priori, deviendront urgents, des patients encourent des complications, on risque de voir une augmentation de la mortalité des cas non covid+ qui vont se rajouter à la mortalité de la pandémie.

Pour éviter cela, peut-on réfléchir à l’organisation d’une reprise des consultations et des interventions semi-urgentes dans des zones « covid-free » : polycliniques, hôpitaux de jour actuellement fermés, hôpitaux vides pour cause de déménagement récent… Même les médecins et soignants n’appartenant pas à l’institution à la base pourraient y consulter de façon ponctuelle et temporaire.

On le sait nul lieu n’est à l’abri du covid puisque les personnes peuvent être porteuses asymptomatiques mais contagieuses. Néanmoins, ce n’est pas pour ça qu’il faut rester dans un immobilisme découragé.

Un troisième point qui me semble nécessiter une fameuse clarification concerne les tests de dépistage covid. Où en est-on dans la disponibilité ? Y a-t-il une mise en commun des efforts pour augmenter leur  production ? Qu’aujourd’hui, des soignants symptomatiques ne soient pas testés par manque de réactifs alors qu’on leur demande de continuer à travailler et qu’ils risquent en plus de propager le virus à des populations fragiles me semble juste incompréhensible et intolérable.

Il faut là aussi favoriser la production belge, la pandémie étant comme son nom l’indique mondiale, ne comptons pas trop sur une disponibilité massive internationale.

Il est aussi urgent de développer des tests qui indiqueront le statut d’immunité de la personne : savoir qui est covid+ et contagieux est une chose, savoir qui a déjà fait le covid et est immunisé en est une autre et un élément important dans la lutte qui nous occupe. Ne nous laissons pas malmener plus que de raison par ce virus : soyons proactifs, créatifs, solidaires et anticipons ! Pensons à demain, pensons aux patients, pensons à nous préserver et je serais très reconnaissante au gouvernement s’il pouvait nous éclairer sur ses capacités à prévoir à court terme, les 3 prochains mois, la gestion de la crise et à moyen terme, dans l’année qui vient la façon dont on va progressivement s’en sortir. Parce qu’on s’en sortira !

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Derniers commentaires

  • Dominique RAETS

    03 avril 2020

    oui , vous avez raison, il faut s 'attaquer maintenant au statut immunitaire . Si nous sommes immunisés, pourquoi ne pas reprendre progressivement des consultations ( une seule personne par consultation/ distanciation dans les salles d'attente , désinfection…) sinon nous allons passer à côté de complications et de toute façon on ne pourra pas voir tous les patients post-posés en même temps .

    anticipons

  • Virginie VERHAEGHE

    31 mars 2020

    Merci pour cette analyse que je partage entièrement ...

    L’oubli des maisons de repos devrait attirer notre attention (patients fragiles particulièrement ciblés en terme de mortalité par le virus et oubliés en termes de procédures et de mises à disposition de matériel en suffisance) Le personnel soignant est confronté à une triple peine : l’impuissance à voir le covid se propager, la peur d’être vecteur pour ses patients et la peur d’être contaminés...

    Cet « oubli » devrait inviter à prendre des mesures légales pour homicide involontaire à l’encontre des responsables politiques à l’instar de certaines institutions françaises. Responsabiliser nos politiques... les calculs d’économies potentielles de pensions ont semé le doute dans mon esprit...

    M De Block étant médecin n’a-t-elle pas prêté son serment d’Hippocrate? L’abandon de nos aînés n’est-il pas une rupture de ce serment avec le facteur aggravant du poste à responsabilité occupé... J’ai honte pour elle .

  • Charles KARIGER

    31 mars 2020

    Oh-là-là! Prévoir à trois mois? Si loin? En Belgique?
    Au sortir de la guerre, le Premier Ministre de l'époque, Monsieur Achille Van Acker proclama:
    "J'agis d'abord, je réfléchis ensuite".

    Et sans doute ses successeurs ont-ils même zappé depuis longtemps la seconde opération...

  • Véronique DELUGEAU

    31 mars 2020

    Entièrement d’accord. Espérons que pour une fois les guéguerres communautaires passent après l’intérêt général.

  • Micheline LEVARLET

    31 mars 2020

    Elle a tout à fait raison...malheureusement !