Vaccination : « On est en train de perdre des heures précieuses » (Dr P.Bets)

Faute de posséder eux-mêmes des infos sur la façon dont va se dérouler la vaccination contre la covid-19 dans la population, les généralistes frustrent des patients motivés, qui abordent déjà le sujet dans les cabinets. Pierre Bets, de la Fédération des MG de Charleroi et généraliste à Jumet, estime qu’on est en train de perdre des heures précieuses. 

 Je tire la sonnette d’alarme à propos de la vaccination covid. Elle a commencé en MR(S). Comme médecin coordinateur, j’en sais un peu plus sur son déroulement. Il reste toutefois du flou à dissiper, des questions pratiques à régler. Par exemple sur la possibilité de s’y faire vacciner comme médecin référent de l’institution, ou de faire profiter un confrère d’une dose non employée à la suite, imaginons, de l’hospitalisation soudaine d’un résident…

A côté, il y a bien sûr toutes les questions dont nous assaillent nos patients. Va-t-on aller administrer le vaccin dans des centres spécifiques ? Si on pratique en maison médicale, pourra-t-on s’organiser pour vacciner sur place ? Faudra-t-il y renoncer si on est solo, et forcément réorienter les patients vers les centres… ? N’ayant pas nous-mêmes de réponses, impossible d’expliquer aux patients comment ça va se passer… Alors que c’est justement maintenant qu’on doit convaincre ! Avant que ceux qui sont demandeurs ne se découragent - pas seulement en raison des messages des anti-vax, mais en comprenant que le vaccin ne va pas faire disparaitre du jour au lendemain le masque, la distanciation, les tests… 

Personnellement, je ne perds pas un temps énorme à persuader les hésitants. Mais pour les motivés, je trouve qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud. On est en train de perdre hélas de précieuses heures… 

Les décideurs n'écoutent pas les acteurs du terrain

C’est comme pour les masques au printemps dernier, puis pour le testing et le tracing : force est pour les généralistes de constater que les décideurs n’écoutent pas les acteurs au contact de la population. On décide en haut lieu, sans anticipation et dans l’urgence (qui a bon dos, d’ailleurs, a posteriori, pour ‘justifier’ les errements). Comme quand on annonce des ‘tests de retour de vacances’ en prévenant le mercredi, à la veille du réveillon du jour de l’An et d’un week-end de trois jours… En l’occurrence, du testing a été mis en place dans les aéroports. Mais depuis le début de la crise, on ne compte plus les circonstances où ce sont ces mêmes acteurs de terrain, qu’on n’implique pas dans la réflexion, qui doivent ‘rattraper le coup’...

Un pli nocif à la prévention

Pour le reste, la téléconsultation et la distribution d’ordonnances à tout-va vont assurément avoir des répercussions sur nos pratiques futures. On a autorisé la consultation à distance, pour les raisons et au tarif que l’on sait. Mais les gens ont pris l’habitude, avec la crise, qu’on réponde à leurs attentes sans contact. Ils ne se présentent plus, ils procèdent par téléphone ou alors vous inondent de mails. Pour des renouvellements de médication chronique, par exemple, ou des prolongations de certificats. 

La prévention et le dépistage vont grandement souffrir de ce pli qui a été pris. Il va être difficile de faire revenir en face de nous certains patients avec lesquels, pourtant, il aurait été utile de pouvoir aborder, par exemple, leur prise de poids durant le confinement, un risque de diabète, un dépistage de tel ou tel cancer… De ces discussions qui, en médecine générale, rendent une consultation ‘banale’ si utile parfois. La pandémie a donné un coup d’accélérateur vers la médecine à distance, mais peut-être la transition est-elle finalement trop rapide… 

On pourrait aussi évoquer le flux d’infos changeantes que le généraliste doit absorber pour se tenir au courant, de ce qu’on sait scientifiquement de la maladie mais aussi de la façon dont on s’organise face à elle. Et ce, le plus souvent seul dans son coin, puisqu’on n’est pas supposés se réunir, et d’une soirée pour le lendemain matin. 

On peut le dire : on a eu, depuis le printemps dernier, une dose de formation continue pour le reste de notre carrière ! Il y a quand même un point positif : les autorités ont été proactives au niveau de l’accréditation, en adaptant leurs exigences. 

Lire aussi : Ignorer les MG dans la réflexion ‘vaccination covid’, c’est hypothéquer la réussite de la campagne (CMG)

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Derniers commentaires

  • Martine LEGRAND

    11 janvier 2021

    bonjour
    La crise n' est pas finie , la téléconsultation a ses avantages et il faut bien l' utiliser , cela fait 1 année aujourd'hui que nous espérons que cette situation sera réglée avec intelligence , il y aura bientôt prescription …….Bon courage à tous et restons …… confiants? Martine Legrand

  • Jean-Pierre PIGNEZ

    07 janvier 2021

    100 °/° d'accord

  • Virginie DUFOUR

    07 janvier 2021

    Personnellement je trouve que la teleconsultation permet de se faire rémunérer pour des actes que nous ne faisions pas avant comme donner par téléphone des résultats de biologie ou d’autres examens, bien sûr il faut éduquer les patients et ne pas accéder à leurs demandes de renouvellement d’ordonnances maintenant que l’état de crise est fini. Même par téléphone c’est utile de demander au patient ce qu’il prend vraiment et de réactualiser son dossier et de vérifier s’il n’y a pas d’autres examens à faire mammographie, osteodensitometrie , vaccins en prévoyant une consultation en presentiel dans les jours ou semaines qui viennent. La teleconsultation ne remplace pas tout mais est un bon complément, il faut apprendre à bien l’utiliser. C’est mon avis. Pour les vaccins contre la covid par contre les soignants doivent être protégés au plus vite service d’urgence, ambulanciers, réa, orl, dentiste certainement en premier et les autres bien sûr ainsi que leur entourage proche. Si les soignants sont vaccinés ils pourront encore être porteur et infecter leur famille et l’épidémie reprendra. Est-ce une peur irraisonnée ? Bon courage à tous