Rapport MAHA 2020 : les premiers commentaires de 7 directeurs d’hôpitaux 

Le rapport MAHA 2020 que Belfius a dévoilé mercredi à la presse a déjà fait couler beaucoup d’encre. Le Spécialiste a demandé à 7 gestionnaires d’hôpitaux leurs premières réactions. Ils sont tous unanimes.  C’est le moment pour changer les choses en profondeurs.

Dévoilé mercredi, le 26eme rapport MAHA sur la santé des hôpitaux est sans appel : une réforme structurelle du financement des hôpitaux paraît essentielle. Une analyse partagée par le ministre fédéral de la santé, Frank Vandenbroucke : « Il y a aujourd’hui un MOMENTUM lié à la crise sanitaire où tant les médecins que les gestionnaires estiment qu’il faut changer les choses. » a-t-il dit.

Sur le terrain, au sein des directions du monde hospitalier, on attend ces mesures depuis de nombreuses années comme l’explique Gauthier Saelens, directeur général du GHdC, Grand hôpital de Charleroi : « A la lecture du rapport, l’année 2019 a été la même que 2018. Quand on regarde les moyennes des années précédentes, les 30% des hôpitaux en déficit sont certainement encore plus fragiles que les autres. Leur situation ne va pas s’arranger avec cette crise. » Pour lui, les moyens que l’on donne en plus aujourd’hui ne changent en rien fondamentalement : les hôpitaux resteront fragiles. « Il faut changer le système de financement. On le disait déjà avant la crise mais cela ne fait que se confirmer. Ce système n’est plus du tout adapté, à fortiori, lorsqu’on traverse des crises comme celles-là. L’autre enjeu sera de connaître l’ampleur réelle des compensations et la rapidité d’obtention de ces compensations. »

Quatre solutions

Un avis partagé par la CEO de la Clinique Saint-Jean de Bruxelles, Hadewig (Vic) De Corte : « L’étude Maha confirme la fragilité de notre secteur de soin. La marge qui était déjà faible en 2018 a encore diminué. Avec des marges si fragiles, lorsqu’on a une pandémie, cela a inévitablement un fort impact. » Sur le terrain, l’équation est très simple selon elle : « Le chiffre d’affaires diminue d’environ 8 % parce qu’on doit arrêter les activités et  les coûts augmentent (matériel, personnel...). Même lorsqu’on aura reçu les 2 milliards, il restera une perte pour le secteur de 1%-1,5%. C’est le plus grand défi. » Malgré ce contexte, il ne faut pas diminuer les investissements et la qualité des soins : «  Je vois donc quatre solutions : on doit réfléchir sur les critères de financement (plus de qualité pour les patients), améliorer la collaboration des réseaux hospitaliers, mettre en place une simplification drastique de l’aspect institutionnel et de la réglementation...et enfin assurer aux hôpitaux (pendant cette grande réforme) qu’ils pourront investir. » 

Pour elle, l’année 2019 doit « devenir la référence et le gouvernement devrait geler pendant 5 ans les financements tels qu’on les connaissait en 2019 pour permettre aux hôpitaux de travailler dans de bonnes conditions. Le covid est un accélérateur pour procéder à des modifications tout en misant en priorité sur la qualité des soins au patient. » 

Panser les plaies dans l’ordre

Pour Stéphan Mercier  administrateur délégué du Groupe Jolimont
et directeur général du Pôle hospitalier, il faut boucher les trous dans les budgets de l’année 2020 aussi. « L’étude Maha montre bien la situation sans intervention financière. Pour que les hôpitaux puissent affronter le monde d’après, il faut panser les plaies de 2020 et sécuriser budgétairement pour quelques années les soins de santé. » Parallèlement, il veut agir : « Il y a un mouvement d’accélération pour dire que la nomenclature est au bout de sa route. Elle doit sérieusement évoluer tout comme le système de financement. » Il prêche toutefois pour « faire les choses dans l’ordre ! C’est le plus important. Il ne faut surtout pas se lancer dans des effets d’annonce mais mettre en place des solutions structurelles. »

Soutenir les soignants

Une réflexion partagée par Benoit Libert, le Directeur-Général du CHU de Namur : « Il faut des mesures structurelles pour renforcer les hôpitaux et le personnel.  Les soignants et les non soignants se posent des questions par rapport à leur engagement et par rapport à ce qu’ils vivent sur le terrain pour accomplir leurs tâches de façon correcte. » Pour lui, il convient de redevenir attractif pour les plus jeunes pour les années à venir...mais aussi imbriquer l’hôpital dans un environnement : « Le CHU est inscrit dans un réseau hospitalier et collabore avec des acteurs de première ligne, des maisons de repos, des polycliniques, des crèches, les médecins généralistes.  La crise du covid l’a montré. Elle a suscité des collaborations plus franches. Cette dynamique, on doit la garder pour construire l’avenir de l’hôpital dans un univers de soins plus larges. » Pour lui, en changeant le financement et d’autres facteurs, «  on a aujourd’hui l’opportunité de revoir les choses. Arrêtons de tergiverser et prenons des décisions plus radicales. » 

L’impact de la crise covid

Un constat qu’Yves Bernard, le directeur général de Vivalia, vit sur le terrain : « En dehors du tiers des hôpitaux avec un résultat courant négatif, l’étude a mis en exergue le manque à gagner et les charges supplémentaires de la crise covid sur le chiffre d’affaires. Chez nous, on a estimé cet impact brut (hors financements régionaux et fédéraux) à 17 millions d’euros sans tenir compte de la seconde vague. Le chiffre sera donc plus important. »  

Au niveau du personnel, il applaudit les bonnes nouvelles ( fonds blouses blanches...) et salue le fait qu’il va y avoir « plus de ressources pour les normes d’encadrement des unités de soins.  On va enfin doter les hôpitaux de plus de personnel et d’attractivité. A Vivalia, il manque 75 ETP. Et pendant la crise, on a eu 150 personnes malades dont une petite centaine de soignants. » Il se pose toutefois une question : « Avec la pénurie d’infirmière, je ne sais pas où l’on va les recruter » 

Une meilleure intégration

De son côté, Paul D’Otreppe, directeur général de la Clinique Saint-Luc de Bouge et président de l’ABDH salue le fait que face à cette étude, « le ministre donne le sentiment d’avoir une vision assez claire de ce qu’il veut. Il veut voir si l’offre correspond bien à la demande. »

Pour lui,  l’hôpital ne s’en sortira que si on va plus loin dans l’intégration (première ligne, hôpitaux généraux, hôpitaux universitaires, les soins à domicile...). « On aurait pu soigner 80% des patients covid à distance. L’hôpital virtuel doit prendre plus de réalité. Dans une pandémie, la médecine à distance a du sens et il faut rester ouvert et se poser les bonnes questions : qu’est-ce qui est bon pour le patient ? A l’avenir, il  y aura des consultations intermédiaires : certaines à distance et d’autres pas. Tout cela aura un impact sur le financement de l’hôpital. » 

Ne pas rationaliser à nouveau les hôpitaux 

Enfin, au Chirec, le Dr Benoît Debande, Directeur Général administratif et financier remarque que  « l’étude est révélatrice de beaucoup d’inquiétude. On sait ce que l’on a perdu mais on ne sait pas ce que l’on va récupérer. On ne sait toujours pas exactement comment les 2 milliards vont être répartis. On attend les chiffres venant du SPF Santé publique. Je serai rassuré quand j’aurai les résultats  du SPF qui va calculer la partie de l’avance que nous pourrons conserver. On saura alors ce qu’on aura vraiment perdu dans la crise. » 

A plus long terme, pour lui, « le contrecoup de la crise économique aura un impact sur nous. Il ne faut surtout pas que certains pensent rationaliser à nouveau les hôpitaux en se disant qu’il y en a trop. Si des réformes sont mises en place, elles ne doivent pas provoquer une diminution des remboursements ou des nomenclatures moins favorables à l’équilibre financier des institutions. L’équilibre est très précaire et même les hôpitaux bénéficiaires aujourd’hui peuvent rapidement devenir déficitaires. »

On le voit, le défi est immense pour le ministre de la santé ... et les hôpitaux

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