Hospitalisations sous contrainte en psychiatrie: " je suis fatiguée de crier dans le désert " (Dr C.Depuydt)

Je travaille depuis 15 ans dans un service d’hospitalisations sous contrainte en psychiatrie, nous y accueillons ce qu’on appelle les mises en observation. C’est une place difficile mais il y a tant à y faire. On y rencontre le plus beau et le plus délaissé de notre humanité : la folie, celle qui se soigne mais ne se guérit pas, celle qui interpelle et fait peur, celle qui est violente parfois, celle qui ne se reconnaît pas comme telle.

Des situations parfois désespérées, parfois désespérantes, des familles découragées, mais aussi, beaucoup de potentiel : de créativité, de rémission, de solutions originales ou individualisées. On ne s’y embête jamais, on y est souvent malmenés, chaque jour nous offre une occasion de nous remettre en question. Ces patients cumulent les pathologies, les difficultés sociales, l’isolement, la dangerosité et la non demande de soins. Ils sont en crise, agités et réclament une attention médicale, infirmière et sociale intensive.

On pourrait se dire, ce serait logique après tout, que le gouvernement, qui nous somme de prendre en charge ces patients par une loi (celle du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux ) y mettrait également des moyens supplémentaires vu le profil particulier. Non, évidemment, exactement le même nombre d’infirmiers, de médecins et d’assistants sociaux que dans n’importe quel autre service d’hospitalisation volontaire. Le travail y est également intense, en volontaire, mais part sur des bases toutes différentes puisque les patients qui y arrivent sont d’accord d’y être, acceptent les conditions d’une hospitalisation volontaire et s’engagent à en respecter les termes. Pourtant, ce n’est pas faute de les avoir demandés au gouvernement, ces moyens supplémentaires, avec de forts arguments, actuellement restés sans réponse.

Tous les jours, quand vous travaillez dans un service fermé, vous êtes insultés, harcelés, pris à parti par des patients qui n’ont aucune limite du fait de leur pathologie et qui ne veulent pas être là. Comme si ça ne suffisait pas, quand une mise en observation est demandée et que le réseau est saturé par manque de place, le procureur du Roi impose un service fermé de prendre en charge ce patient et vous l’amène manu militari.

Nous devons donc accueillir, en surnombre, des patients au mépris le plus total des normes de sécurité tant pour les patients que pour les travailleurs. Et cela, je le rappelle, sans aucun moyen supplémentaire. 

Le covid n’a pas du tout arrangé une situation déjà extrêmement précaire, bien au contraire : arrêt des traitements, anxiété majeure, familles épuisées par un confinement difficile à vivre avec ce genre de personnes. Tous les ingrédients sont là pour une explosion des mises en observation et par là même des impositions en surnombre.

Au jour d’aujourd’hui, mon service a eu plus de 80 impositions en surnombre depuis le début de l’année dont 16 ces dix derniers jours (le temps de rédiger cet appel à l’aide : une imposition de plus par le procureur du Roi, 17 donc). La dernière en date?

Une dame de plus de 75 ans, amenée par la police, dans notre service totalement débordé et au mépris des limites que nous mettons en disant que nous ne pouvons pas l’accueillir dans des conditions de sécurité acceptables. Des conditions inhumaines d’accueil, c’est vraiment cela que nous souhaitons pour nos seniors et nos patients psy? Des conditions inhumaines et dangereuses de travail, c’est vraiment cela que nous voulons pour nos soignants? 

Les mises en observation, c’est 6000 par an en Belgique. Ce n’est pas rien et ça ne cesse d’augmenter. La psychose et les maladies psychiatriques touchent toutes les classes sociales sans distinction, personne n’en est à l’abri ni soi même ni son entourage proche. Nous avons tout intérêt à prendre soin de nos fous, parce que c’est nous ou notre frère ou notre mère. Parce qu’il faut pouvoir les protéger d’eux mêmes ou protéger la société de leurs actes irresponsables lors de crises.

Parce qu’on « juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses fous » (L. Bonnafé). Il est plus qu’urgent de reconnaître le travail de ces services et de débloquer des moyens en urgence et de façon pérenne pour faire face à la crise covid et à ce qui va suivre. 

J’aime mon métier mais je suis fatiguée de crier dans le désert et d’attendre un drame ou que tout le personnel avec qui je travaille parte en burnout. Nous devons nous donner les moyens de ne pas en arriver là. 

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Derniers commentaires

  • Luc De Bry

    22 juillet 2020

    Réponse à Mme Caroline Depuydt, psychiatre, Epsylon


    Madame, votre article-débat dans « Le Spécialiste » de ce 17 juillet a attiré mon attention.

    Vous avez raison : « la Folie est le plus beau et le plus délaissé de notre Humanité ! »

    Et vous avez tort aussi : quand vous écrivez que la Folie ne se guérit pas, tel est bien le « dogme » des psychiatres qui n’ont pas appris que, hors de psychiatrie, la Folie est guérissable. - Hé oui !

    C’est vrai, la Folie, interpelle, elle fait peur, surtout aux psychiatres qui ne la comprenne pas, et elle est parfois violente, surtout quand les souffrants essayent de se défendre des mauvais traitements psychiatriques, de l’empoisonnement aux drogues psychiatriques par injections forcées, de l’isolement en cellules, de la stigmatisation permanente, et autres maltraitances, toutes plus inhumaines les unes que les autres.

    Le mot médecine signifie « l’Art de guérir », n’est-ce pas ? - Comme vos confrères, vous avez fait 7 ans d’études de médecine subsidiées, via l’Etat, à quelques 100.000 €/an (chiffre de 2019), par nous, payeurs d’impôts, pour apprendre cet Art, suivis de 5 ans d’études de psychiatrie pour… désapprendre cet Art.

    Vous avez écrit, « chaque jour nous donne une occasion de nous remettre en question », mais jamais, au grand jamais, vous ne vous posez la bonne question, la première question fondamentale : « Comment et pourquoi se fait-il que moi, médecin-psychiatre, je n’applique par « l’Art de guérir » à mes patients ? »

    De même, vos confrères professeurs de psychiatrie ne se posent jamais la seconde question fondamentale : « Comment et pourquoi se fait-il que moi, professeur de médecine, je n’enseigne pas « l’Art de guérir » à mes étudiants ???

    L’Etat dépense un million deux-cents mille Euros de nos impôts pour la formation de chaque médecin-psychiatre, qui, après 12 ans d’études, est incompétent à guérir. Ô hérésie, il a subsidié les études des 1.958 psychiatres de Belgique, soit 2 milliards et 350 millions d’Euros, pour remplir des lits d’hôpitaux. Et, il paye les hôpitaux par lit occupé, ce qui est inhumain, plutôt que pour la performance, pour la guérison.

    Selon le rapport fédéral officiel de 2012, la psychiatrie existante nous coûte, à nous payeurs d’impôts, 4% du Produit Intérieur Brut (PIB), soit, en 2019, 20 milliards d’Euros par an. Et vous les psychiatres, incompétents à guérir, vous osez demander « des moyens supplémentaires, avec de forts arguments ». - Non, mais quel culot !

    Ce 07 janvier 2020, dans Psychosenet dot be, votre confrère, Madame Kirsten Catthoor, secrétaire de l’Association des psychiatres de Flandre, lança le chiffre pour une augmentation de « 500% ». Cinq fois plus : cela ferait donc 100 milliards de nos impôts par an, pour la psychiatrie, soit 20% du PIB de la Belgique qui est de 500 milliards… - C’est impayable : Les psychiatres sont irréalistes, n’est-ce pas ?

    Vous avez conclu, « J’aime mon métier, mais… ». Si vraiment vous aimez votre métier de médecin, alors, Madame Depuydt, il est plus que temps que vous et vos confrères médecins-psychiatres, vous ayez l’humilité qu’il faut pour surmonter votre dogme de l’inguérissabilité de la Folie, et que vous commenciez enfin à apprendre, acquérir et pratiquer les Thérapies de Guérison de la Folie, et ensuite les améliorer.

    Ce que nous, parents de Folles et Fous, souffrants de Folie, et payeurs d’impôts, nous avons besoin, c’est de plus d’efficacité, d’un meilleur rapport Qualité/Prix, c’est-à-dire une Qualité de thérapies qui conduit à la guérison, au lieu de la toxicomanie et du handicap à vie sur prescriptions psychiatriques, et ce pour un Prix plus de 10 fois moins cher que celui de la psychiatrie existante, incompétente à guérir.

    Un tel défi a été relevé par le District de Laponie Occidentale, ± 80.000 habitants (en 1980), en Finlande du Nord. En 1980, observant que les coûts de psychiatrie augmentaient plus rapidement que le revenu des impôts, les Autorités politiques ont convoqué les Directions de psychiatrie, psychologie, sociologie et infirmerie et leur ont dit : « voilà, il faut trouver mieux, et pour moins cher ! »

    Sous la direction du Dr. psychiatre Birgitta Alakare, la conduite du projet de recherche a été attribuée au jeune Dr psychologue Jaakko Seikkula. Six ans plus tard, les premiers résultats positifs ont commencé à émerger. Ils les ont alors reproduits. Ils ont appelé leur innovation la « Open Dialogue Therapy ».

    Dans les années 1990s, la Laponie Occidentale a alors traduit ces résultats de recherche en termes de procédures d’assurance santé, de remboursement à 100% des Thérapies de Guérison, inclus en procédures de rattrapages d’études et d’embauches pour des emplois. Et en 2005, ils avaient éradiqué la schizophrénie de la Laponie Occidentale. - En juin 2013, avec mon fils, nous y sommes allés, et nous l’avons vu.

    Endéans les 2 à 5 ans, 80 à 85% des souffrants de psychose sont guéris et dans des études ou un job à temps plein. Les autres 15-20% ont besoin de plus de temps. A ces 80 à 85%, aucune drogue psychiatrique n’a été prescrite. Il n’y a plus de liste d’attente : les souffrants sont soignés endéans les 24 heures. De plus, selon les points d’application, la « Open Dialogue Therapy » qui guérit et vide les lits d’hôpitaux psychiatriques coûte de 15 à 30 fois moins cher que la psychiatrie telle que nous la payons encore en Belgique.

    En conséquence, le développement de la « Open Dialogue Therapy » a rendu obsolète :

    • Le DSM,
    • Les livres et traités de psychiatrie,
    • Les drogues psychiatriques,
    • Les procédures inhumaines de psychiatrie, et
    • Les coûteux hôpitaux et centres psychiatriques.

    Ce remarquable résultat a même fait l’objet d’une pièce de théâtre, présentée à Londres en 2014, par la troupe de Ridiculusmus : « The Eradication of Schizophrenia in Western Lapland » que vous pouvez obtenir via Amazon. Elle est en train d’être traduite en français et sera présentée à Bruxelles et Paris prochainement.

    Voici trois bibliographies, non-exhaustives, en français, néerlandais et anglais sur la guérison des dites maladies mentales, plus le dépliant d’une formation d’introduction à la « Open Dialogue Therapy » planifiée pour octobre 2020, ici en Belgique, un peu au sud de Bruxelles, et téléchargeables depuis DropBox :

    https://www.dropbox.com/s/js748kbcl0gxvw4/Biblio_GUERISON_de_Maladies_Mentales_sans_psychodrogues_2020_04_09.pdf?dl=0

    https://www.dropbox.com/s/zkbkggbtwp1f78l/Biblio_Genezen_van_geestelijke_Ziekten_zonder_psychodrugs_2020_03_23.pdf?dl=0

    https://www.dropbox.com/s/bbq2jpyweh9ot6d/Biblio_CURING_Mental_Illnesses_without_psychodrugs_2020_04_08.pdf?dl=0

    https://www.dropbox.com/s/015zfuk7jep8hft/Formation_OPEN_DIALOGUE_Oct_2020_20_06_14.pdf?dl=0

    Vous observerez que la plupart de ces publications ne sont pas disponibles dans les bibliothèques universitaires. Personne et aucun secteur n’a de monopole sur la connaissance, en effet.

    Si vous désirez parler des Thérapies de Guérison de la Folie plus en détail, je serai heureux de le faire à un moment qui vous conviendra.

    Vous en souhaitant un bon apprentissage, et

    Sincères salutations,

    Luc De Bry, PhD
    Client de Services et Thérapies de Guérison
    Chercheur en Sciences Biologiques, Psychologiques, Sociologiques, Humaines et Médicales
    Bruxelles, le 22 juillet 2020