L’informatique fait perdre chaque année des millions d’heures aux médecins

En Angleterre, les médecins perdent chaque année plus de 13,5 millions d’heures de leur temps en raison des insuffisances et dysfonctionnements des systèmes et du matériel informatiques – l’équivalent de près de 8.000 emplois médicaux à temps plein ou d’un peu moins d’un milliard de livres.

C’est ce qu’il ressort d’un rapport récemment publié par la British Medical Association (BMA), intitulé « Getting IT Right: A Prescription for Safe, Modern Healthcare ». Les auteurs appellent à protéger les investissements dans le domaine des TIC contre les mesures d’économies et même à les accroître à plus long terme.

Quatre cinquièmes (80 %) des médecins interrogés dans le cadre d’une enquête de la BMA dans le courant de l’année dernière déclaraient qu’une infrastructure informatique et des technologies numériques de meilleure qualité auraient un impact positif sur la résorption des listes d’attente, qui comportent actuellement plus de sept millions de patients.

Une proportion plus grande encore (87 % des sondés) pensaient que les soins et le suivi des patients à distance seront amenés à jouer un rôle déterminant au cours des dix années à venir. Ils n’étaient toutefois que 24 % à estimer que leur hôpital disposait pour cela d’une infrastructure suffisante.

« Une perte de temps ridicule »

Près de trois quarts (74 %) des médecins interrogés estimaient qu’il faudrait donner priorité à la mise à niveau des logiciels existants, 72 % à celle du matériel inefficient, 74 % à l’interopérabilité des systèmes de soins primaire et secondaire et 76 % au partage des données entre systèmes.

Il ressort par ailleurs du rapport que certains praticiens perdent près d’une demi-heure rien que pour se connecter aux systèmes informatiques dont ils ont besoin. L’un d’eux a même été jusqu’à commenter que « cette perte de temps ridicule met en péril la sécurité des patients ».

Un médecin de seconde ligne rapportait devoir se connecter à quatre systèmes distincts pour soigner un seul patient. Un autre se plaignait de « l’excès d’identifiants de connexion et de mots de passe » et de l’absence de communication entre les différents systèmes.

« Nous sommes amenés à traiter une masse de données absolument épouvantable, qui nous empêche de nous consacrer à nos patients », soulignait de son côté un médecin de famille.

À peine 11 % des médecins ayant participé à l’enquête s’estimaient « complètement » équipés du matériel nécessaire à l’exécution de leurs tâches, tandis que 47 % déclaraient n’en disposer que parfois, rarement ou même pas du tout.

Près d’un tiers (30 %) soulignaient par ailleurs que les logiciels répondaient « rarement » ou même « pas du tout » à leurs besoins ; moins de 4 % en étaient pleinement satisfaits.

Conclusion du rapport ? Les logiciels et systèmes doivent être harmonisés et consolidés là où c’est possible et les fournisseurs de TIC doivent se concerter davantage avec les travailleurs du secteur des soins afin de mieux comprendre leurs besoins spécifiques. Les auteurs préconisent encore de créer au sein des établissements de soins des groupes d’utilisateurs des TIC susceptibles de signaler les éventuels problèmes.

Plus de la moitié (57 %) des médecins de seconde ligne rapportaient des retards « fréquents » voire « systématiques » dans l’accès aux données-patients en provenance de la première ligne, tandis que 8 % à peine déclaraient n’être confrontés à ce problème que « rarement » ou « jamais ».

Quatre cinquièmes (82 %) des répondants actifs en première ligne rapportaient de leur côté des retards « fréquents » ou « systématiques » dans l’accès aux données de la deuxième ligne. Ils étaient 1 % à peine à ne « jamais » rencontrer ce type de problème.

« Il ressort clairement de ces résultats que nous sommes encore loin d’un partage d’informations fluide et, sans forcément exclure le rôle potentiel d’autres facteurs tels qu’une numérisation insuffisante ou une surcharge de travail du côté des médecins, il est évident que le manque d’interopérabilité y est pour beaucoup », soulignent les auteurs du rapport.

Il est plus que temps d’investir, concluent-ils encore, en particulier dans un contexte où « les services de santé et les prestations de soins ont connu, au Royaume-Uni, une mutation fondamentale au cours de la pandémie ».

Lire aussi : Quatre jeunes médecins sur dix veulent quitter le NHS (Enquête)

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Derniers commentaires

  • Francois Planchon

    08 janvier 2023

    Les connexions via EID restent quand même trop souvent fort aléatoires, et l'encodage des prescriptions prend franchement beaucoup plus de temps que les prescriptions "papiers"....

  • Jean-Marc DUMONT

    04 janvier 2023

    Je suis generaliste et je dois bien avouer que la gestion des dossiers est grandement facîlitée en Belgique grace à l’informatique. Il est habituel de se plaindre mais notre pays est à la pointe dans ce domaine : prescriptions électroniques, rapports des hopitaux recus dans les 24heures, automatisation des sauvegardes… franchement ne nions pas le progres énorme qui a été fait!

  • Yves Van Crombrugge

    04 janvier 2023

    Très instructif et tout à fait en accord avec le vécu sur le terrain, si les praticiens ( médecins, infirmières , kinésithérapeutes etc ... consacrent trop de temps avec la numérisation, les patients sont souvent perdus par l'informatisation à outrance qui déshumanise la médecine.
    Dr YVCb, médecin à la retraite , et souvent médecin référent pour accompagner le, la patiente dans un parcours réservé à des experts en numérique .