Harcèlement sexuel à l’hôpital : un livre choc!

La journaliste Cécile Andrzejewski a recueilli de nombreux témoignages dans les institutions hospitalières dans son livre "Silence sous la blouse" . En Belgique, le Dr Rombouts, vice-président de l'Ordre des Médecins, rappelle que pour les médecins l'article 458bis du Code pénal existe.

Médecins, infirmières, techniciennes de laboratoire, ou encore aides-soignantes , elles sont nombreuses à libérer leur parole sous la plume de la journaliste Cécile Andrzejewski. Parmi la dizaine de témoignages dans des hôpitaux en France, Anne-Lise, Laurie ou Justine (qui a porté plainte contre un neurochirurgien) , ont été victimes de harcèlement, de blagues grivoises , de bizutage ou d'agressions sexuelles dans un hôpital : « J'ai pris le temps de les écouter. Cela a permis de mieux se rendre compte du harcèlement qui reste souvent tabou dans les institutions hospitalières » a-t-elle déclaré sur France 5 lors de l'émission « C à vous ». « Certains médecins peuvent agir en toute impunité et ce n'est pas normal surtout s'ils sont couverts par leur hiérarchie. Ces femmes sont broyées par le système et le lieu où elles vivent et travaillent. Certaines gardent le silence pour garder leur travail et d'autres changent d'institution ou de travail. »

Au fil des pages, on découvre l'escalade de faits ou de propos ; du baisé forcé aux propositions inappropriées.  « dans un grand hôpital, Justine, infirmière, est soulevée du sol par un neurochirurgien qui l’embrasse de force. Ailleurs, Jessica et d’autres soignantes se plaignent d’avoir dû étaler de la crème sur le corps et les fesses d’un anesthésiste. À l’autre bout de l’Hexagone, L. et ses collègues sont menacées à coups de pieds dans le bloc. Ailleurs encore, Laurie, technicienne de labo, subit fessées et caresses de la part de son chef biologiste. Toutes ces employées ont en commun d’avoir été agressées et d’avoir tenté d’alerter. Ceux qui leur font face, supérieurs ou collègues, partagent la même impunité : ils ont été couverts par leurs confrères et leur hiérarchie».

En France, en 2017, plus de 22.000 signalements ont été répertoriés dans 446 établissement, soit une augmentation de 25,3% en un an....avec comme le révèle le Parisien «  61% des étudiantes en médecine étaient victimes de sexisme selon l'Intersyndicale nationale des Internes (Isni). »  Les salles d’opération , les lieux de repos, le parking et la cafétéria sont des lieux où des témoignages d'atteintes sexuelles sont constatés.

L’auteure, Cécile Andrzejewski, constate aussi que « même si l’hôpital est un lieu majoritairement féminin aujourd’hui, les postes de pouvoir, qu’ils soient médicaux ou administratifs, restent occupés par des hommes. Il existe donc un rapport de force asymétrique entre une majorité de travailleuses et une minorité de chefs de sexe masculin. Une culture de longue date favorise aussi ces comportements. Les infirmières, qui étaient à l’origine exclusivement des femmes, ont été formées à obéir sans discuter aux médecins, même si, comme je l’ai appris au cours de cette enquête, ils ne sont pas leur chefs directs. Leur vraie responsable hiérarchique est en effet une cadre de santé, elle-même infirmière auparavant. Mais ces cadres, le plus souvent, ont intériorisé l’idée qu’on ne discute pas l’ordre d’un médecin

Absence de sanction

Ce qui révolte l'auteure et les femmes qui témoignent dans le livre, c'est l'absence de sanction ! Surtout que dans certains cas, les conséquences sont dramatiques comme pour Anne-Lise, dont un médecin  lui touche le sexe et les seins avec violence. Traumatisée, cette technicienne de surface qui était enceinte fera, 48 h plus tard, une fausse couche...tout cela dans un contexte, où la ministre française de la santé, la Dr Agnès Buzyn elle-même en 2017, avait reconnu avoir dû subir des comportements déplacés de la part de médecins et des propos comme  « Viens t’asseoir sur mes genoux. » Les mots de Justine résonne aussi très fort à l'encontre du neurochirurgien qui la poursuivait : « « J’ai compris que je devenais sa proie. Je commençais à tourner les talons quand je l’apercevais dans les couloirs. »

Condamnation en Belgique

Chez nous, récemment, l'AZ Turnhout a licencié un gynécologue après des plaintes d'abus sexuel alors qu'au moins trois plaintes visaient ce médecin. De son côté, le tribunal correctionnel de Neufchâteau a condamné récemment un médecin généraliste à cinq ans de prison, dont quatre ferme, pour avoir violé des patientes. Chez nous lorsque des agissement d'un médecin posent problème, l’Ordre des médecins prévient les commissions médicales provinciales

76 comdamnations ordinales

Jean-Jacques Rombouts, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins indique qu’entre 2005 et 2017, il y a eu 76 condamnations ordinales de médecins liées à des faits de mœurs. 76 sur un total de 7.421. « Notre code de déontologie est explicite sur ce sujet. Des sanctions existent pour les faits de mœurs des médecins vis-à-vis de leur collègue ou de patient suivant le degré de gravité. Nous avons même été voici plusieurs années en Cassation à la suite d'une affaire de ce type pour un maître de stage qui avait violé une stagiaire. Comme le médecin généraliste de la victime avait révélé l'affaire, il y avait eu débat sur la violation du secret médical. Depuis, celui-ci peut être dépassé pour les personnes en état de faiblesse ou en danger comme l'explique très bien l'article 458 bis et ter. »

Cet article 458bis du Code pénal sur la protection des « personnes vulnérables » rappelle « que toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de ce fait connaissance d'une infraction qui a été commise sur un mineur ou sur une personne qui est vulnérable en raison de son âge.... doit protéger cette intégrité, soit lorsqu'il y a des indices d'un danger sérieux et réel que d'autres mineurs ou personnes vulnérables visées soient victimes des infractions prévues aux articles précités et qu'elle n'est pas en mesure, seule ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité. »

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