Enquête sur la pénurie d’infirmières : « On n’est plus dans la dignité humaine »

L'enquête d' #Investigation, qui a été dévoilée mercredi soir sur la Une de la RTBF, "Pénurie d'infirmières, des vies en danger" de Sophie Mergen et Guillaume Wollner, dénoncent les conditions de travail des infirmières et le recrutement de celles-ci par des agences « très particulières ». Pour rappel, en Belgique, il manquerait aujourd’hui 20.000 infirmières/infirmiers.

Les journalistes s’étonnent dès le début que certains patients doivent passer une nuit à l’hôtel parce qu’ils ne peuvent être accueillis la nuit précédent leur opération à l’hôpital. Pour Chantal Van Cutsem, directrice infirmière de l’hôpital Erasme, « c’est peut-être la meilleure formule face à la pénurie d’infirmier. La pandémie a accentué le phénomène. »

Vider le Liban

Après quatre mois d’enquête, le magazine a fait le point notamment sur cette question à Erasme, Saint-Luc, Chirec, Jolimont, CHC. Ces hôpitaux manquent d’infirmières et ils recrutent au Liban principalement. Dans les services d’urgence, il manque du personnel comme le dit Fouzya Chihi, infirmière chef aux urgences d’Erasme : « Je n’ai pas la possibilité de dire stop ou on est complet. On doit continuer d’accueillir les patients, mais on n’est plus dans la dignité humaine. »

A Saint-Luc, la situation est la même : « On va même fermer l’unité 44 parce que nous n’avons pas assez d’infirmière pour fonctionner normalement. » Joelle Durbecq, directrice du département infirmier, reconnaît que « ce manque d’infirmière pose de nombreux problèmes. » 

Le débauchage des infirmières au Liban interpelle Rima Sassine Kazan, la présidente de l'Ordre des Infirmières au Liban. "C'est scandaleux ! Certains pays offrent des salaires que nous ne pouvons suivre. » 

Des sociétés de recrutement très particulières

Le magazine parle de société comme Nexus (qui débauche des infirmières dans d’autres hôpitaux) et pointe du doigt les pratiques de certaines sociétés de recrutement comme INN (International Nursing Network, agence libanaise) qui travaille avec le groupe Chirec, le CHC à Liège ou encore Brugmann à Bruxelles. Pour obtenir une infirmière de la part de cette société,  les hôpitaux doivent dépenser 10.000 euros par  infirmière. Selon le magazine, les trafics sont nombreux notamment sur les équivalences de diplômes et les contrats contiennent même certaines clauses particulières comme le fait que les infirmières ne peuvent tomber enceinte pendant leur contrat de deux ans. »

Le reportage précise que rien qu'en 2021, sur 32 dossiers introduits en provenance du Liban, 11 étaient frauduleux.

A la suite du reportage, le magazine précise que tant le CHC que le Chirec ont mis fin à leur collaboration avec cette société. « Je pense qu’il y a des choses qui sont acceptables et des choses qui ne sont pas acceptables. Je n’avais pas connaissance de toutes ces clauses particulières de contrat » précise le directeur général du Chirec Philippe El Haddad.   

Le point de vue des autorités

Mais que font les autorités ? Pour Carine Rosteleur, secrétaire régionale CGSP les responsables de cette situation sont les autorités fédérales : « Les ministres n’ont rien fait, ils sont responsables. Ils ont des morts sur la conscience. »

Le ministre de la santé Frank Vandenbroucke, interrogé sur la question, « regrette les années d’austérité des gouvernements précédents. Nous réinvestissons pour que la situation s’améliore. S’il y a des décès liés à un manque d’encadrement, il faut venir avec des preuves.» ajoute-t-il encore.

> A (re)voir sur auvio ( https://www.rtbf.be/auvio/detail_investigation?id=2901276 )

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Derniers commentaires

  • Francois Planchon

    31 mai 2022

    A la question "que font les autorités"... les réponses sont, malheureusement, lamentables. Prenons quelques considération, en commençant par un exemple :
    - c'est l'histoire d'une jeune chinoise de 26 ans, licenciée en informatique de gestion après des humanités scientifiques à Pékin, qui travaille comme cadre (service achats) chez Lenovo près de Hong-Kong. Elle rencontre un belge à Hong Kong. Le couple se voit régulièrement pendant 3 ans, et, après avoir hésité sur leur lieu de vie (Hong Kong, c'est pas mal non plus...), le couple décide de vivre en Belgique où Mr travaille comme cadre avec un emploi stable. Elle arrive fin 2009 après avoir sollicité le visa de regroupement familial, obtenu sans problème. Elle ne désire pas poursuivre une carrière en informatique et voudrait devenir infirmière... Après 2 ans d'apprentissage intensif du français, elle demande mi juin 2011 l'équivalence de son diplôme d'humanité (soutenu par sa licence) pour suivre les cours d'infirmière A1.
    Le 1/9/2011, n'ayant toujours pas de nouvelles, elle s'inscrit (sous réserve de produire l'équivalence) en A1... La réponse arrive début octobre, négative ! Son compagnon arrive à joindre (pas évident...) le service des équivalences, qui a l'air assez embarrassé et serait d'accord, pour sauver la face, de revoir son verdict si on produit une série de renseignements sur le contenu des cours en humanité... Si ils l'avaient demandé plus tôt, on leur répondait sans problème !
    Vu le temps nécessaire à ces démarches et l'année déjà entamée, elle s'inscrit "en catastrophe" en A2, qu'elle termine avec distinction. C'est assez surréaliste : les humanités à Pékin sont pourtant d'un niveau largement supérieur au niveau moyen des humanités en Belgique, et le concours national supplémentaire pour pouvoir accéder aux universités en Chine est bien plus sélectif et exigeant que notre "examen de maturité"...
    Et malgré cela, malgré la pénurie, ils ne donnaient l'équivalence que vers les branches informatiques et économiques du supérieur, et pas dans les branches (para)médicales... Assez surréaliste et méprisant...
    Pour corser le tout, la Flandre permet une passerelle A2>A1 en un an, mais pas la Wallonie...
    Et maintenant, on va chercher des infirmiers au... Liban... en baissant sensiblement les exigences des équivalences : c'est vraiment envoyer une gifle morale à tous ceux qui ont essuyé un refus malgré un diplôme supérieur après leurs humanités !
    - Quand un métier est en pénurie, les employeurs augmentent les salaires et l'attractivité de la profession... et pourquoi PAS pour les infirmiers ???
    Renseignements pris, si elle va travailler au Luxembourg ou en Suisse, elle n'aura pas de différence avec les salaires et responsabilités A1... et gagnera entre 2 et 4 fois le salaire Belge... Idem en France, toutefois avec un salaire un peu moins élevé qu'au Luxembourg, mais plus élevé qu'en Belgique.
    Après ces fantaisies, où pensez-vous qu'elle terminera sa carrière ?
    - Les écoles d'infirmières belges continuent d'inscrire un fort pourcentage d'étudiants français et étrangers, ce qui sature les auditoires et les stages... Une 4ème année a été ajoutée alors que le contenu des matières peut facilement être vu en 3 ans si les élèves sont bien encadrés (c'est surtout là le problème). Si il y avait un pourcentage moins élevé d'étudiants étrangers, la qualité des cours et des stages serait meilleurs et attirerait plus d'autochtones. Avant de prolonger d'un an ces études, vu la pénurie qui existait déjà, on aurait pu attendre et augmenter la qualité de l'enseignement existant en renforçant son encadrement...
    - au niveau des maisons de repos et des hôpitaux, si on renforce les effectifs d'aides soignantes, il est possible d'alléger la charge qui pèse sur les infirmières...

    Bref... pour suggestions