La proposition du ministre Vandenbroucke de conditionner partiellement, à partir de 2026, le financement des syndicats médicaux au pourcentage de médecins conventionnés constitue un danger fondamental pour l’équilibre démocratique et institutionnel de notre système de santé. Ce qui ressemble sur le papier à un « encouragement » à la convention est en réalité une tentative déguisée de concentration du pouvoir et une atteinte au mandat syndical libre.
L’essence d’une organisation représentative réside dans sa capacité à exprimer librement des positions au nom de sa base, y compris – et surtout – lorsque ces positions s’opposent à la ligne politique dominante. En rendant leur financement dépendant du degré d’adhésion des médecins aux tarifs de l’INAMI, on sape cette liberté. C’est ni plus ni moins qu’un outil de chantage économique : se soumettre à la politique ou en payer le prix.
Il ne s’agit pas seulement d’un projet technocratique mal avisé – c’est une trahison idéologique. Car soyons clairs : le fait qu’un ministre socialiste, héritier d’une tradition qui a toujours défendu la lutte sociale, l’indépendance syndicale et la représentation des intérêts, en vienne à miner ces principes dépasse l’entendement. On se demande ce qu’un Emile Vandervelde en penserait. Il y a fort à parier qu’il se retournerait dans sa tombe.
Le message implicite est aussi cynique qu’explicite : les syndicats ne sont tolérés que s’ils deviennent des relais dociles de la politique en place. Il ne s’agit plus de concertation pluraliste, mais d’un alignement contraint, portefeuille à la main.
Quels sont les risques concrets ?
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Un affaiblissement du modèle démocratique de concertation : quand la représentation n’est récompensée que si elle épouse la ligne gouvernementale, il ne s’agit plus de concertation, mais de soumission.
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Une perte de légitimité : les médecins perdront confiance dans leurs organes syndicaux s’ils les perçoivent comme des instruments d’exécution du gouvernement plutôt que comme des défenseurs indépendants de leurs intérêts.
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Un recul de la liberté professionnelle : la convention n’est pas une question binaire. C’est un équilibre complexe entre responsabilité sociale et autonomie professionnelle. Augmenter mécaniquement le nombre de médecins conventionnés ne résout pas les problèmes structurels (sous-financement, surcharge administrative, délais d’attente), mais les masque.
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Un dangereux précédent politique : si cette logique s’impose, elle pourrait rapidement s’étendre à d’autres secteurs, où la représentativité serait soumise aux exigences de conformité politique.
Un syndicat médical n’est pas un bureau de promotion des conventions de l’INAMI. C’est un rempart contre les dérives unilatérales de la politique publique, une voix de nuance dans un contexte complexe. En affaiblissant ce rempart, le ministre ne perd pas seulement sa crédibilité en tant que responsable social, mais aussi la confiance de toute une profession.
Ce n’est pas une réforme. C’est une prise de pouvoir silencieuse.
Laissez les syndicats faire leur travail. Libres, fiers et indépendants. Comme il se doit.
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