Clustérisation du financement: des choix politiques devront être faits!

La réforme du financement hospitalier franchit une nouvelle étape avec la publication du rapport du KCE sur la «clustérisation des groupes de pathologies selon les similarités de séjours hospitaliers». Le rapport entendait répondre à une double question. Dans quelle mesure les séjours hospitaliers peuvent-ils être répartis en 3 clusters? Et au sein du cluster 1, à faible variabilité, quels sont les groupes de pathologies candidats à un forfait prospectif?

Le plan d’approche pour la réforme du financement des hôpitaux prévoit trois formes de financement différentes pour trois types d’hospitalisation: un financement prospectif des honoraires et des journées d’hospitalisation pour les soins à faible variabilité; un financement  similaire à celui du BMF actuel pour les soins à moyenne variabilité et un système basé sur les prestations réellement délivrées pour le groupe de soins à haute variabilité ou peu standardisables.

Déterminer les 3 clusters: l’écueil des données (in)disponibles

Afin d’opérationnaliser un tel système, la première étape consistait donc à déterminer dans quelle mesure un regroupement des données des APR-DRG-SOI  en trois clusters était praticable, sachant qu’idéalement un financement par APR-DRG devrait refléter les coûts réels. C’est d’autant plus vrai que, comme le note le rapport, «chaque système de financement équivaut à une répartition du risque financier entre le payeur et le prestataire» (1). Or, on ne dispose pas à l’heure actuelle de données de coûts par patient suffisamment complètes et il n’est pas davantage possible de définir la part du budget hospitalier par séjour.

Pour déterminer les 3 clusters, il a donc fallu  se servir des données disponibles afin d’évaluer approximativement la variabilité des séjours hospitaliers, soit les données hospitalières minimales, les données de facturation et les données (2009-2012) de la cellule technique de traitement qui réalise leur couplage, entre autres, pour  analyser la relation entre pathologie et dépenses de l’AMI.(2)

Pour pallier l’impossibilité d’identifier la part du budget hospitalier (BMF) et la part des forfaits au niveau d’un séjour individuel, les chercheurs ont  retenu  la durée de séjour pour évaluer l’utilisation des ressources par hospitalisation individuelle, et extrapolé les montants à l’acte (forfaits pharmacie, imagerie médicale, biologie clinique). 

Enfin, c’est le grouper APR-DRG version28 de 3 M qui a été utilisé pour assigner chaque séjour à l’un des 322 APR-DRG existants avec leur SOI spécifique. (3)

Résultats: les clusters imposés aux données 

En utilisant la variabilité des durées de séjour et de remboursement (pour les hospitalisations classiques) et la variabilité des remboursement et des réadmissions (pour les hospitalisations de jour) on parvient à déterminer trois clusters.  Pour les hospitalisations classiques, «le cluster le plus grand au prorata du nombre total de séjours et du montant total des remboursements est celui avec la variabilité de remboursement et de durée de séjour la plus faible», mais «le moins important au prorata de la durée totale de séjour. Pour les hospitalisations de jour, le cluster de variabilité moyenne est le plus important avec plus de la moitié des séjours tandis que le cluster de variabilité faible est le plus important au prorata du montant total des remboursements.» (4)

Cette précision est importante car elle montre la mobilité de certains APR-DRG -notamment du cluster intermédiaire au cluster haut-, qui ont une variabilité de remboursement élevée. (5)

Bons pour le financement?

L’analyse menée par les chercheurs révèle que s’il est évidemment possible de définir trois clusters, ceux-ci ne sont pas nettement séparés: «les différences de variabilités constatées à partir des variables disponibles constituent plutôt un continuum.» In fine, «une analyse statistique et une expertise clinique sont donc nécessaires pour évaluer si, comme le propose le Plan d’approche de la ministre, un APR-DRG-SOI donné classé dans  l’un des trois clusters peut donner lieu au système choisi pour le cluster en question.»(6)

Un paiement forfaitaire prospectif pour le cluster 1?

Outre la possibilité de définir trois clusters, le rapport avait aussi pour objectif d’examiner, dans le cluster à faible variabilité,  les séjours susceptibles d’un financement forfaitaire prospectif. Dans cette perspective, le KCE a analysé la variabilité au sein de chaque groupe de pathologies de ce cluster, de façon à voir lesquels parmi ceux-ci, en plus d’un profil d’utilisation des ressources similaire au niveau intra-hospitalier, ont un profil de ressources similaire au niveau inter-hospitalier. Et de souligner que si le plan de réforme de Maggie De Block suggérait de ne prendre en compte que les APR-DRG du système des montants de référence, il appert que tous les séjours à basse variabilité de soins n’y figurent pas et inversement que «les APR-DRG du système des montants de référence ne se classent pas tous dans les soins à basse variabilité lorsque l’on prend en compte l’ensemble des prestations». (7) Un argument avancé de longue date par les institutions hospitalières.

Si l’on s’en tient aux APR-DRG-SOI dont la faible variabilité aura été évaluée, d’autres éléments et points d’attention devront néanmoins être pris en compte pour la mise en œuvre – progressive – du financement prospectif  du cluster 1. Parmi-ceux-ci,

  • Le risque de surcodage: dans la mesure où, dans ce cluster, le gros du risque financier est assumé par les hôpitaux, il est à craindre que les hôpitaux soient incités à coder un séjour dans un cluster à moyenne ou haute variabilité. Le rapport recommande donc de suivre de près les variations et de réaliser des «audits ciblés dans les hôpitaux qui s’écartent de la norme».

  • Le calcul même de la valeur concrète des forfaits suppose que des choix politiques soient faits. Utilisera-t-on la moyenne des remboursements (ou des coûts)? La médiane ou la moyenne ajustée avec corrections post-hoc pour garantir la neutralité budgétaire?

  • Utilisera-t-on la valeur du forfait «en vue de promouvoir des soins de qualité et efficaces remboursés à leur juste valeur» selon les Best Practice Tariffs (BPT)?

  • Que fera-t-on des outliers: inclus dans le système, qui assume le risque de dépenses exceptionnelles? Exclus du système, comment sont-ils financés?

Un paiement forfaitaire prospectif avec une pointe d’honoraire à l’acte?

Enfin on épinglera, dans les aspects de mise en œuvre, l’idée de conserver une trace du degré d’utilisation réel des ressources via la conservation d’une part réduite d’honoraire à l’acte. Cette option, qui est celle du forfait pharmaceutique, tant décrié par les hôpitaux pour sa lourdeur (coût d’enregistrement, double système de facturation), permettrait «de créer des indicateurs ou des Best Practice Tariffs, de maintenir le système actuel de tickets modérateurs et de suppléments, et le suivi du codage des DRG»… (9)

 

Notes
1. Clustering des groupes de pathologies selon les similarités de séjours hospitaliers, Synthèse du rapport KCE 270B, S. Devriese et C. Van de Voorde, p. 5
2. Ibid, p. 11-13
3. Depuis 2015 , on utilise le grouper APR-DRG 31, basé l’ICD-10-BE .  Les analyses devront donc être reconduites.
4. Ibid, p. 19.
5. Ibid, p. 20.
6. Ibid, p. 24
7. Ibid, p. 37
8. Ibid. p. 35
9. Ibid. p. 36

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