Troisième vague: 5 questions à Frank Vandenbroucke

Le ministre Vandenbroucke s’exprime sur les enseignements des précédentes vagues, sur le rôle de «canaris dans la mine de charbon» joué par les généralistes, sur le sens des responsabilités des prestataires de soins et sur la prise de décision politique autour des mesures prises dans le cadre de la pandémie.

Nous avons l’occasion de parler brièvement au ministre, lors d’une visite de soutien à l’UZ Gent, submergé par les patients Covid-19 de la troisième vague. Frank Vandenbroucke est clairement marqué par ce qu’il vient de voir. «C’est une situation très difficile. Nous constatons une nouvelle fois combien la Covid est une maladie grave. Et les personnes qui sont hospitalisées aujourd’hui sont plus jeunes qu’au cours des vagues précédentes.»

«On nous dit qu’il s’agit surtout de personnes qui souffrent de comorbidités comme l’obésité, mais les patients ici ne sont pas particulièrement gros ou hypertendus. Cela pourrait tout aussi bien nous arriver, à vous ou à moi.»

«Des progrès ont été faits entre la première et la seconde vague en termes de traitement, notamment au niveau des corticostéroïdes, mais entre la seconde et la troisième, on ne pouvait plus faire de miracles sur le plan thérapeutique. La maladie reste très imprévisible, tout comme la revalidation ultérieure. Nous devons donc vraiment nous tenir strictement à ce qui a été convenu.»

«Il est absolument admirable que les prestataires de soins tiennent le coup dans cette lutte épuisante, car les hôpitaux vivent actuellement une période extrêmement difficile. Il est d’ailleurs remarquable qu’ils réagissent avec tant de calme vis-à-vis de l’opinion publique et qu’ils n’aient pas encore tapé beaucoup plus fort sur la table. C’est une preuve de leur énorme sens des responsabilités.»

N'a-t-on donc rien appris des vagues précédentes ? Il y a deux ou trois semaines, les généralistes s’époumonaient déjà à annoncer la troisième vague, et nous savons bien aujourd’hui qu’ils sont les canaris dans la mine de charbon…
«J’ai fait passer le message à tous mes collègues. La première ligne capte souvent mieux ces évolutions que les statistiques.»

«Ce matin [le 31 mars, ndlr.], j’ai eu une longue discussion avec plusieurs représentants de la première ligne à Gand (la maison médicale De Sleep, le président du cercle de médecine générale et plusieurs autres). Les généralistes aussi sont sur les dents, non seulement à cause de la charge croissante des soins à leurs patients mais aussi parce qu’ils sont submergés de questions – à propos de la vaccination, évidemment, mais aussi de toutes sortes d’aspects pratiques, puisque les mutuelles et les syndicats ont fermé leurs bureaux à cause de la pandémie. Je ne peux donc que saluer le projet qui vient d’être approuvé en faveur d’un plus grand soutien au bien-être des médecins, car ces professionnels n’admettent pas facilement qu’eux aussi ont besoin d’aide.»

«À Gand, le bien-être du corps médical a été inscrit à l’agenda des glems. Il y a également plus de moyens pour le soutien psychologique de première ligne, qui doit être facilement accessible et exempt de toute stigmatisation. Je vais investir 112 millions dans ce poste, avant tout pour rendre possible une réaction rapide.»

«Ce soutien doit être intégré à la médecine générale, mais aussi alimenté au départ des structures sociales. La concertation autour de ce nouveau modèle est encore en cours au sein de la nouvelle commission transversale soins de santé mentale de l’Inami. Entre-temps, des mesures d’urgence ont été mises en place: les équipes mobiles pourront également se rendre chez les plus de 65 ans confrontés à des problèmes de santé mentale. Nous avons aussi renforcé l’intervention de crise et la détection précoce par le biais des équipes mobiles pour les enfants et les jeunes, tandis que les étudiants sont soutenus au travers de séances de groupe.»

Vous disiez avoir transmis le signal des généralistes à vos collègues. Avec quel résultat?
«La prise de décision politique est un processus qui prend du temps, mais je n’ai pas l’habitude d’en dire beaucoup plus à ce sujet. Lors du dernier comité de concertation, nous avons heureusement pris l’ensemble de mesures qui s’imposaient.»

 Sont-elles suffisamment sévères? Les experts voulaient aller plus loin.
«Elles devront être rigoureusement appliquées sur le plan aussi bien individuel que collectif, mais on ne peut pas parler d’un régime ultra-sévère. Nous ne voulions pas emprisonner la population.»

Le gouvernement vient d’être condamné en raison de (l’absence de) législation sur la pandémie et des mesures prises dans le cadre de la Covid-19. Une réaction?
«Cela ne m’impressionne pas plus que ça. Ce n’est que le jugement d’un seul tribunal ; il faut le respecter, bien sûr, mais le gouvernement a l’intention d’aller en appel. cela dit, en tant que politicien, je ne vais pas m’exprimer davantage sur une décision de justice.»

On a parlé un temps d’introduire un baromètre qui permettrait de renforcer ou d’assouplir automatiquement les mesures contre le coronavirus sur la base de paramètres objectifs. Pourquoi cette idée a-t-elle été abandonnée ? Un tel système nous aurait permis de réagir plus rapidement si elle avait accordé une importance suffisante à la fonction d’avertisseur des généralistes, et de prendre plus rapidement des décisions indépendamment de toute pression politique…
«Un système automatique ne fonctionnerait pas ici parce que la réalité est extrêmement complexe. Il faut regarder tout un tableau de bord de données. Le fait qu’un nombre croissant de patients doivent être transférés aux soins intensifs, par exemple, est un autre élément qui aggrave la situation, tout comme le fait que le virus touche un plus grand nombre de jeunes.»

Lire aussi: Les médecins généralistes pourront administrer le vaccin Johnson & Johnson

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Derniers commentaires

  • Jean-Louis MARY

    01 avril 2021

    VDB, Moreale ...même déni de l'existence de la première ligne dans la politique vaccinale
    Refus d'intégrer la MG dans la tank force vaccination , procédure compliquée et complexe pour signaler les patients à comorbidité
    Sans oublier les patients grabataires à domicile toujours pas vaccinés trois mois après avoir reçu les premières doses.
    Pendant ce temps là 600000 doses dorment dans les frigos et l'OMS fustige l'Europe dans laquelle la Belgique occupe la vingtième place sur 27 en terme d'avancement de campagne vaccinale.