Ecarts Nord-Sud de densité médicale: «un discours volontairement simpliste»

En s'appuyant sur la dernière étude PlanCad (chiffres 2016), le Dr Eric Ponette, du Vlaams Artsenverbond (*), épingle des réalités Nord-Sud différentes en termes de densité de médecins. Une raison de plus, d’après lui, de transférer toute la politique de santé - normes, financement et accès à la profession compris - aux communautés. Le GBO et l’ABSyM dénoncent une analyse caricaturale de la problématique.

Sur base des chiffres que le journal De Specialist a récemment publiés sur PlanCAD, le Dr Ponette a produit des tableaux comparatifs, tant chez les MG que chez les MS, en partant de l'hypothèse d'une densité en Flandre égale à 100. 

MG et MS actifs dans les soins de santé en 2016, par communauté

Communauté

Nombre (N) de généralistes

N/10.000 habitants.

% avec la comm. flamande (= 100)

Nombre (N) de spécialistes

N/10.000 habitants

% avec la comm. flamande (= 100)

flamande

7.020

10,4

100

10.061

14,9

100

française 

5.335

11,7

113

9.712

21,3

143

Total

12.355

10,9

 

19.773

17,5

 
 

> Scroller vers la droite pour lire tout le tableau.

La densité de MG en communauté française est ainsi supérieure de 13% par rapport à la communauté flamande. Du côté des spécialistes, l’écart monte à 43%. En combinant les deux catégories professionnelles, il est de 30%. 

Voici ce que donne l’exercice du Dr Ponette, répété au niveau des Régions

MG et MS actifs dans les soins de santé en 2016, par région

 Région

Nombre (N) de généralistes

N/10.000 habitants.

% avec la comm. flamande (= 100)

Nombre (N) de spécialistes 

N/10.000 habitants.

% avec la comm. flamande (= 100)

flamande

6.924

10,6

100

10.031

15,4

100

wallonne

4.004

11,1

105

6.271

17,4

113

wallonne

4.004

11,1

105

6.271

17,4

113

 

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La densité de MG est plus élevée de 5 et de 11%, respectivement en Wallonie et à Bruxelles. Celle des spécialistes est supérieure de 13% en Wallonie, mais d’un spectaculaire 84% à la capitale. Et Eric Ponette de faire observer « la réticence, malgré tout, de la communauté française à limiter l'afflux de futurs médecins». 

Une façon caricaturale de présenter les choses
Tant pour Paul De Munck, président du GBO, que pour Philippe Devos, son homologue de l’ABSyM, l’analyse du VAV est volontairement simpliste, orientée. «Mais fallait-il attendre quelque chose de scientifique et de rationnel d’un mouvement qui, dans sa mission, place en point n° 1 la scission de la sécurité sociale?», observe le Dr Devos (**). «Ils enfoncent des portes ouvertes, en simplifiant les raisonnements et en brandissant le chiffre quasi magique du 60-40», complète le Dr De Munck. «C’est aux besoins réels de la population, dans un environnement donné, qu’une planification de l’offre médicale bien pensée doit répondre.» 

Philippe Devos regrette tout d’abord un message qui, «à l’heure où de nombreux défis attendent le corps médical, risque de remettre une couche de division interne quand on aurait besoin d’union». «D’après les calculs du VAV, on a en Belgique une densité globale de 28,8 médecins par 10.000 habitants [tableau non publié, ndlr]. La France, célèbre pour ses ‘déserts médicaux’ et qui a décidé de lever le numerus clausus, est à 33...», commente-t-il. «La densité par 10.000 habitants n’est d’ailleurs peut-être pas la façon la plus adéquate d'aborder les choses. Il faut aussi tenir compte de la densité au km2. S’il faut faire 45 minutes de voiture pour trouver un médecin, une autre facette de l’accessibilité - géographique cette fois - est en jeu. C’est tout autant un problème de santé publique. La Flandre, c’est peut-être 60% de la population, mais c’est 44% de la superficie de la Belgique. Et si c’était sur cette donnée-là qu’on basait le raisonnement?» 

1 médecin ne veut pas dire 1 équivalent temps plein
Les Drs De Munck et Devos soulignent tous deux les limites d’un comptage par «unité» de médecin, qui ne reflète pas l’activité réelle de chacun. «En médecine générale, il y a une féminisation de la profession, des temps de travail plus réduits au sein des nouvelles générations», illustre le président du GBO, «et, en tout cas au sud du pays, une tendance à ne plus avoir une activité omnipraticienne exclusive, mais à composer avec du travail à l’ONE, en médecine scolaire, en planning…» L’âge doit également être pris en compte dans le débat, indique le Dr Devos. «D’après les chiffres de l’AViQ, 13% des MG wallons ont plus de 65 ans, l’âge moyen dépasse les 57 ans.» On ne peut nier la question du renouvellement des effectifs. 

«On sait aussi que plus une population est socio-économiquement défavorisée, plus ses besoins en soins sont importants», objecte encore le président de l’ABSyM. «La zone la plus critique, sur le plan socio-économique, c’est Bruxelles. Ce n’est donc pas une surprise si on y trouve une forte demande, à laquelle correspond une concentration de médecins. Demande d’ailleurs alimentée également par des Flamands qui travaillent à Bruxelles et s’y font soigner après le boulot. La fédération Gibbis a calculé que plus de 20% des patients qu’elle prend en charge ne résident pas à Bruxelles. Et parmi eux, n’en déplaise au VAV, il y a des Flamands. Nous sommes un pays où les citoyens ont le droit de libre circulation, aussi pour les soins. Va-t-on en arriver à devoir demander une permission de se soigner dans ‘l’autre communauté’?»

Ne mélangeons pas avec les sous-quotas
«On pourrait aussi s’interroger: où sont les médecins flamands à Bruxelles? Pourquoi ne s’y investissent-ils pas?», poursuit Paul De Munck. Toujours est-il qu’il en appelle à «cesser d’instrumentaliser les quotas à des fins de politique communautaire. La réflexion sur l’offre médicale doit être fédérale. C’est de la responsabilité du ministre de la Santé de veiller à ce que les besoins - documentés - soient rencontrés dans chaque région du pays. Pour cerner ces besoins, il faudra aussi une réflexion sur le partage des tâches entre métiers. Qu’il y ait des différences au niveau de certaines spécialités, ce n’est pas nouveau non plus. Mais cela relève non pas des quotas mais des sous-quotas, du ressort des communautés. On ne peut que saluer la création annoncée par la ministre Glatigny d’une commission de planification pour la Fédération Wallonie-Bruxelles

(*) le VAV (de son ancien nom: Vlaams Geneesherenverbond) n'est pas un syndicat, mais un mouvement socio-culturel de médecins qui existe depuis quelques dizaines d'années. On lui prête des liens avec la N-VA

(**) il indique sur son site, en tête de ses missions : realisatie van een autonome Vlaamse gezondheidszorg als onderdeel van een autonome Vlaamse sociale zekerheid (réalisation d'un système de santé flamand autonome dans le cadre d'un système de sécurité sociale flamand autonome) 

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