Bilan positif d’un projet de télé-consultation médicale via des lunettes connectées à la prison de Marche

Dès 2018, la Cellule d’Accompagnement des Professionnels de la Santé (CAPS) créée sous l’égide de la Province de Luxembourg avait envisagé divers projets de télémédecine dans les prisons.  Certains ont dû être abandonnés, pour inadéquation aux besoins. L’un d’eux vient toutefois de boucler sa phase-pilote cet été, semble-t-il à la satisfaction de toutes les parties prenantes et avec le souhait de passer en phase opérationnelle.

Mais, tout d’abord, petit rappel des raisons et des modalités de ce projet. Originalité? L’outil - des lunettes connectées - et le bénéficiaire - la prison de Marche-en-Famenne.

Le but était d’assurer une continuité dans la capacité d’auscultation et de diagnostic en dehors des heures traditionnelles de visite d’un médecin à la prison (deux heures par jour). Le but était aussi de pallier aux inconvénients des procédures habituelles activées en cas de suspicion d’urgence médicale en dehors de ces heures.

Natacha Mathy, attachée à la CAPS, s’en explique: “en l’absence d’un médecin, la décision doit souvent être prise d’“extraire” le prisonnier et de l’amener aux urgences. Ce qui pose un problème à la fois à l’administration de la prison et à l’institution hospitalière.” En cause, une importante mobilisation d’intervenants: secrétariat de l’infirmerie, agents de la police fédérale (minimum deux), au moins un agent pénitentiaire pour le transport et la présence à l’hôpital. Et, en cas de mobilisation de plus d’une heure à l’hôpital, les agents de la police fédérale doivent être remplacés par deux agents pénitentiaires.

“Cette mobilisation a un coût mais aussi des conséquences organisationnelles pour la prison qui, privée de deux agents, doit limiter d’autres activités telles que les visites ou les consultations psy.

Il va de soi que l’arrivée d’un détenu aux urgences nécessite également de la part du service des urgences un aménagement particulier afin d’isoler le détenu et d’assurer la sécurité des patients et du personnel…”

Une solution validée

Solution choisie pour les besoins du projet? Les lunettes connectées XpertEye de la française AMA. Le premier modèle proposé fut toutefois jugé inapproprié: version câblée, procédure de connexion compliquée, problèmes de calibrage en cas de mouvements trop importants de la tête… 

AMA a alors revu sa copie. Le modèle finalement testé et validé opère en Bluetooth, avec pilotage vocal, possibilité de procéder à des prises de photos et à des annotations, fonctions de zoom, connexions sécurisées…

L’infirmière active la connexion vers la plate-forme AMA en scannant un code QR, à l’aide des lunettes XpertEye. La plate-forme contacte le médecin pour qu’il se connecte et s’identifie. Il peut procéder à la télé-consultation à partir de son desktop ou de son smartphone.

Via ses lunettes connectées, l’infirmière reçoit les instructions vocales ou visuelles du médecin. Ce dernier apparaît dans une petite fenêtre sur les lunettes ou peut annoter les photos déclenchées par l’infirmière. Ce qui permet de pointer vers un endroit précis du corps en demandant à l’infirmière de réorienter son regard ou de zoomer. “C’est par exemple utile pour une auscultation du thorax ou si l’on veut mieux observer l’apparence d’une plaie”, souligne Françoise Renard, infirmière attachée à la prison.

La solution a donc donné toute satisfaction et le souhait est de pouvoir la déployer. Médecins, personnel infirmier et administratif, détenus, médecin référent à la direction générale des Etablissements pénitentiaires (DG EPI) Belgique Sud, tous abondent dans ce sens. 

“La solution ne résout pas tous les problèmes mais constitue une aide au diagnostic. Elle a par ailleurs pour effet de rassurer le personnel infirmier. Elle ne nous déresponsabilise pas mais nous conforte”, déclare Françoise Renard. “Mes collègues, eux aussi, ont testé les lunettes et se disent prêts à les utiliser dès l’instant où le déploiement interviendrait.”

A la prison et à la CAPS, on imagine déjà une extension des cas d’usage. Par exemple pour des consultations de suivi de maladies chroniques, de plaies. Pour le suivi en diabétologie, l’intervenant à distance pourrait être le service diabétologie ou endocrinologie de l’hôpital de Marche-en-Famenne.

Reste à obtenir le financement nécessaire (le projet-pilote, lui, a été financé par la province de Luxembourg). Si un budget est libéré, d’autres établissements pénitentiaires pourraient même l’adopter.

Lire aussi: Bientôt des téléconsultations médicales dans nos prisons?

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