« Il est urgent de créer des Assises de la santé » (Pr B.Rondelet)

Depuis le 1er avril 2022, le Pr Benoit Rondelet est directeur médical de Groupe CHU UCL Namur. « Je suis demandeur que l’on réfléchisse à une organisation structurelle des soins de santé en Belgique. Il est du devoir des médecins-chefs des hôpitaux universitaires, de se mobiliser et réunir l’ensemble du secteur dans cette réflexion», soutient celui qui a assumé pendant plusieurs années les fonctions de chef du service de chirurgie cardio-vasculaire, thoracique et transplantation pulmonaire et de chef de département de chirurgie sur le site de Godinne.

Que manque-t-il aujourd’hui pour que les réseaux puissent enfin prendre forme ? 

Les autorités décident qu’elles vont faire des réseaux, mais elles ne définissent pas ce qu’est un hôpital général, ni un hôpital de proximité. Elles ne reconnaissent pas les hôpitaux universitaires comme des entités à part entière et ne leur donnent pas de missions spécifiques dans les réseaux. Comment voulez-vous que cela fonctionne? Dans n’importe quel jeu de société que l’on achète, la première chose que l’on regarde, ce sont les règles… Ici, les règles sont mal définies. Il y a donc aucune chance que cela fonctionne. Il n’y a aucun incitant pour faire travailler les acteurs ensemble et nous sommes à peu près à une année lumière d’une réflexion organisationnelle volontaire.

Vous donniez l’exemple des centres d’interventions chirurgicales complexes du pancréas et de l’oesophage ? 

Face à ce type de problématique, les autorités déterminent des volumes et se couvrent d’un voile blanc en disant que l’on procède de cette manière pour une question de qualité… mais elles ne procèdent pas en termes de santé publique et de manière géostratégique où il conviendraient de placer les centres de référence. Elles attendent que les centres s’entre-tuent pour que l’on continue avec les survivants. Ce n’est pas comme cela que l’on met en place une politique durable et efficace de santé publique si l’on considère les soins au citoyen optimaux comme un objectif premier. 

Vous êtes inquiet pour l’avenir des hôpitaux universitaires ?

Les plus grands perdants aujourd’hui sont le patient d’abord, l’hôpital et en particulier l’hôpital universitaire, et les caisses de l’Etat. Il est temps de mener des réformes structurelles efficaces. Pour cela, il faut un courage politique qui intégrerait l’ensemble des parties prenantes à une réflexion en profondeur. Il est temps de faire des Assises de la santé pour construire un système de santé réfléchis dans lequel les acteurs des différents niveaux de soins s’articulent les uns sur les autres.

Comment procéder ? 

En ce qui me concerne, je désire porter mon intérêt à la définition de ce qu’est un hôpital universitaire et à sa place dans la prise en charge des patients tertiaires, des maladies rares et des soins complexes. Il faudra aussi préciser la fonction d’un médecin académique-clinique pour l’avenir.  Dans un système de santé organisé sur une pyramide de soins, chaque organisation doit avoir un rôle précis et des missions définies. L’articulation de ces missions doit aussi être clairement pensée et énoncée. 

Que pensez-vous de l’absence de décision sur le financement des projets d'infrastructure des hôpitaux universitaires en FWB?

Ce n’est qu’un point parmi d’autres. Le vrai problème est que la gouvernance des soins de santé est éclatée sur plusieurs niveaux de pouvoir. On se retrouve ainsi avec un système de pouvoir qui va à l’encontre de la bonne gestion des réformes qu’il instaure lui-même. On nous demande, par exemple, de nous regrouper au sein de réseau hospitalier dont le financement n’est pas organisé, où les alliés conservent un financement individuel et propre à poursuivre la concurrence. Le système cherche à promouvoir les regroupements et les fusions entre hôpitaux mais si ceux-ci dépendent de niveaux de pouvoir différents, les entités responsables sont incapables de s’entendre pour définir comment elles vont financer ensemble les infrastructures nécessaires à l’évolution de la nouvelle entité. Nous vivons dans un système presque ubuesque où les entités provoquent elles-mêmes la désorganisation de leur réforme.

Vous l’avez vécu à Namur? 

Nous vivons semaine après semaine des chaos organisationnels du fait que le CHU UCL Namur est un hôpital pilote dans le sens où nous sommes la première structure fusionnée comprenant un hôpital universitaire et des hôpitaux généraux. Nous dépendons à la fois de l’AVIQ et de la FWB pour organiser nos hôpitaux. Nous allons donc dans le sens de ce que nous demandent les autorités fédérales et la logique économique… mais nous manquons des moyens d’agir et de pouvoir avancer de manière efficiente vers l’avenir. Ce sont mes problèmes au quotidien.

Vous ne préféreriez pas vous occuper des problèmes des médecins?

 Aujourd’hui, je désirerais travailler sur la qualité des soins qui est la seule chose qui m’importe comme directeur médical d’un groupe avec comme seul et unique but de donner les meilleurs soins au patient. Mais, je ne peux pas le faire pleinement puisque que je dois d’abord travailler à la sauvegarde et la viabilité de mon hôpital en travaillant sur les chiffres qui nous permettent de survivre.

> Découvrez l’intégralité de cette interview dans Le Spécialiste N°217.

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Derniers commentaires

  • Harry Dorchy

    07 mars 2024

    ÉCONOMIES ET QUALITÉ DES SOINS NE SONT PAS INCOMPATIBLES

    Pour faire des économies dans l'hôpital, sans nuire à la qualité des soins, il faut d'abord séparer les pouvoirs. Les politiciens et les hospitalo-administratifs (de plus en plus nombreux, souvent très coûteux, à charge des honoraires médicaux, nommés politiquement et pas obligatoirement avec les diplômes ad hoc) sont de plus en plus influents dans les coupoles hospitalières. Ils ne devraient pas s'immiscer dans les conclusions d'experts médicaux réellement indépendants.
    Ensuite, dans certains hôpitaux, on multiplie aussi la lasagne médicale, souvent de façon inutile, dispendieuse, par copinage, affiliation politique, etc. En plus, certains responsables médicaux sont plus administratifs que médecins...
    Ces économies justifiées, sans pénaliser la qualité, feront que les pensions des statutaires, obiectivement choisis, ne menaceront plus la viabilité des hôpitaux publics.

    Pour améliorer la surveillance des hôpitaux et l'efficacité des soins, l'INAMI s'est associé au SPF Santé publique et à l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) pour surveiller les hôpitaux de façon plus efficace et plus transparente.
    https://www.inami.fgov.be/fr/themes/qualite-soins/Pages/ameliorer-surveillance-hopitaux-
    efficacite-soins.aspx)
    Les buts sont :
    ◦ Créer une valeur ajoutée pour les patients, les hôpitaux et les pouvoirs publics
    ◦ Optimiser l'utilisation des moyens fédéraux disponibles, prévus pour les soins de santé.

    Malheureusement ces audits ne concernent pas certains directeurs administratifs ou médecins superfétatoires, coûteux, voire incompétents, à cause de l'influence politique partisane des mandataires publics.
    https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/l-hopital-public-merite-de-meilleures-structures-de-gestion/article-column-42579.html?cookie_check=1678181412).