Plan de soins pour l’enfant : les pédiatres dénoncent l’inaction des autorités

Malgré un plan d’action détaillé présenté en mars, les autorités restent sourdes aux appels de l’Académie belge de pédiatrie. Sa présidente, la professeure Ann De Guchtenaere, dénonce une invisibilisation structurelle de la santé de l’enfant dans les politiques actuelles.

Dans un entretien accordé à notre journal soeur De Specialist, la professeure Ann De Guchtenaere, présidente de la Belgian Academy of Paediatrics (BAoP), revient sur le Plan de Soins pour l’Enfant, un document de référence présenté officiellement le 14 mars 2024 par son association. Malgré ses dix recommandations concrètes pour améliorer la santé des enfants en Belgique, elle constate que ce plan reste largement lettre morte. « Nous avons souvent le sentiment que nos demandes ne sont pas prises au sérieux. On nous a même un jour qualifiés, au cabinet ministériel, de “kinderacademie” », confie-t-elle.

La professeure insiste sur l’urgence de placer l’enfant au cœur des politiques de santé. « Il est grand temps que les enfants aient une voix dans les soins de santé. Les droits de l’enfant ne sont pas un privilège, mais une obligation. » Elle salue les premiers pas dans la législation sur les droits des patients, tout en appelant à une coopération étroite avec le Commissariat aux Droits de l’Enfant et Unicef, « les institutions les plus compétentes sur ce sujet ». Selon elle, « les droits de l’enfant doivent être centraux dans la pédiatrie comme dans l’ensemble de la santé infantile ».

Dans leur pratique, les pédiatres sont encore trop souvent confrontés à une absence de structure cohérente. « Nous sommes constamment renvoyés d’un service à l’autre avec la même réponse : “ce n’est pas notre compétence”. Cela illustre à quel point la prise en charge de l’enfant est morcelée », regrette-t-elle.

Elle évoque également les séjours hospitaliers, qui peuvent être traumatisants pour les enfants. « Nous faisons tout pour établir une relation de confiance et limiter la peur, en recourant à des méthodes non médicamenteuses. Dans certains cas, après des expériences difficiles, une sédation peut s’avérer nécessaire – avec du protoxyde d’azote ou des sirops. Un bon contrôle de la douleur est aussi essentiel. »

Concernant la réforme hospitalière à venir, elle souligne des éléments positifs, comme la valorisation du temps patient et du travail interdisciplinaire. Mais elle déplore que les pédiatres n’aient toujours pas été invités à la table des négociations. « D’autres spécialités ont été entendues. Nous, nous attendons encore un signal. Or, la pédiatrie comprend de nombreuses sous-spécialités – cardiologie pédiatrique, néphrologie, endocrinologie… – qui ne sont même pas reconnues officiellement. Cela fait 25 ans que nous demandons cette reconnaissance. »

Elle rappelle aussi que le métier de pédiatre dépasse de loin les simples consultations pour infections bénignes. « Une grande partie de notre activité concerne des pathologies imprévisibles, parfois graves. Nous devons assurer une vigilance continue auprès des enfants hospitalisés, tout en étant appelés à tout moment dans d’autres services – salle d’accouchement, maternité, urgences. Cela rend l’équilibre vie professionnelle – vie privée particulièrement difficile, d’autant plus que nos rémunérations sont inférieures à celles de nombreuses autres disciplines. »

Enfin, elle dénonce un autre obstacle structurel : l’absence de données fiables. « Notre pays se distingue par un manque criant de données, en particulier en ce qui concerne les enfants. » Une lacune qui freine la planification des soins, comme cela a été récemment souligné dans le débat sur la nouvelle loi relative aux personnes avec un trouble psychiatrique.

« J’espère que l’on finira par nous écouter », conclut-elle. « À défaut, nous risquons de voir de nombreux pédiatres quitter l’hôpital. »

> Découvrir l'ensemble du Plan

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